pressé que de dépouiller ceux qui les ont aidés dans leur inexpérience ou dans leur détresse. Par une série de conventions successivement renouvelées ou étendues, une compagnie qui a son siège à Paris est restée chargée, dans des conditions fixées d’un commun accord, de l’exploitation des chemins de fer de l’état serbe. Elle a nécessairement fait des dépenses considérables de matériel, de machines, de voitures, d’approvisionnemens et mis de gros capitaux dans une entreprise profitable au pays. Elle pouvait, comme on dit, vivre sur la foi des traités, puisqu’elle avait un privilège pour vingt-cinq ans, dont cinq sont à peine écoulés, lorsque tout à coup, sans plus de façon, sans préparation, la compagnie a été prévenue que son privilège allait cesser, que l’état reprenait l’exploitation pour son compte. Et à jour, à heure fixe, en effet, la compagnie a été dépossédée ! Les raisons qu’on invoque, des irrégularités, des contraventions, ne sont même pas sérieuses, puisque l’état avait des agens de contrôle chargés de surveiller le service et de ramener la compagnie à l’exécution de ses engagemens. Ces griefs sont à peine un prétexte. A quels mobiles ont obéi les ministres de Belgrade qui ont dirigé cette exécution assez brutale ? Il y aurait eu, dit-on, l’éternelle jalousie de nationalisme à l’égard des étrangers, chargés d’une des exploitations les plus importantes. Peut-être aussi le gouvernement a-t-il cru s’assurer des ressources ; ou a-t-il voulu se créer une légion d’agens actifs, dévoués dont il pourra se servir dans les élections. Y a-t-il eu d’autres raisons, d’autres influences ? Il est certain que bien des capitaux allemands, autrichiens aussi bien que français sont engagés en Serbie, et que les rivalités se déploient dans les affaires de finance comme partout. Toujours est-il que pour une raison ou pour l’autre, de son propre mouvement ou sous la pression d’une influence qu’on ne peut saisir encore, le gouvernement de Belgrade a trouvé bon d’exercer ses rigueurs contre une compagnie française, contre une entreprise poursuivie avec des capitaux français ; mais tout n’est pas dit il reste une question maintenant. Le corps du chemin de fer appartient à l’état ; le matériel tout entier appartient à la compagnie, et le gouvernement ne peut s’en emparer sans le payer. Il reste des contestations, des intérêts, que la diplomatie française, avec la meilleure volonté de conciliation, ne peut livrer au bon plaisir serbe, dont elle est obligée de se mêler. C’est un incident ajouté à tant d’autres. Et c’est ainsi que ces malheureux pays, par toutes les questions qu’ils soulèvent, ne cessent d’être un foyer de difficultés et d’agitations, redoutables pour eux-mêmes, toujours dangereuses pour la paix de l’Orient qui est la paix de l’Europe.
On n’en a pas fini avec les crises en Espagne, et le chef du cabinet de Madrid, M. Sagasta, malgré sa dextérité de tacticien, malgré l’art avec lequel il manœuvre au milieu des embarras d’une situation critique, a de la peine à faire face à tout. Les dernières semaines ont été