aux revendications italiennes, aux relations avec l’Autriche, M. Crispi a répondu par quelques déclarations assez vagues, à demi calculées, à demi embarrassées. Il n’a rien dit pour décourager les aspirations de ce qu’on appelle « l’irrédentisme ; » il a invoqué d’un autre côté la prudence qui a fait l’unité et l’indépendance de la patrie italienne. Il a rappelé le mot dit autrefois par M. Minghetti, que dans un remaniement de l’Europe l’Italie aurait tout à gagner et rien à perdre. Puis il a parlé des pièges qui entourent l’Italie, de l’ennemi intérieur, du secours que cet ennemi intérieur peut recevoir des puissances intéressées à affaiblir la triple alliance. Comprendra qui pourra ! On serait tenté de se demander jusqu’à quel point ces paroles ambiguës, plus imprudentes que réfléchies, se rattachent à ce qui se serait passé récemment à Berlin, à qui elles s’adressent, si elles ont pu ou dû plaire beaucoup à Vienne. M. Crispi a une étrange manière de tranquilliser l’Autriche sur l’avenir et d’attester la sincérité, la puissance indestructible de cette triple alliance qu’il ne cesse de représenter comme la garantie souveraine de la paix du monde. Le plus clair est que les derniers incidens sont assez vraisemblablement le signe d’une certaine tension croissante entre Rome et Vienne, que le chancelier de Berlin aura pu en profiter pour lier encore plus le gouvernement du Quirinal, que la triple alliance pourrait n’être bientôt que la double alliance, que l’Italie enfin, sans le vouloir peut-être, se trouve entraînée de plus en plus dans une voie où elle livre ses intérêts, ses forces, ses finances, pour une politique qui n’est pas la sienne.
Ce qu’il y a de plus curieux, ce qui pourrait achever d’éclairer cet état confus des relations en Europe, c’est qu’au moment même où la présence du roi Humbert à Berlin venait d’être saluée, fêtée par des toasts et des ovations, une autre parole a retenti à l’extrémité de l’Europe. Cette parole, à la vérité, n’avait rien d’extraordinaire ; elle n’a pas moins éclaté à l’improviste comme une sorte de réponse aux ostentations de Berlin, comme un avertissement donné à l’omnipotence bruyante de la triple alliance. Qu’est-il arrivé ? L’empereur Alexandre III, recevant à Peterhof le prince Nicolas de Monténégro, dont la fille va devenir la femme du grand-duc Pierre Nicolaiévitçh, a porté un toast à son hôte, en l’appelant le « seul ami sincère et fidèle de la Russie. » Il n’en a pas fallu davantage pour mettre les esprits en campagne et provoquer tous les commentaires.
Quelle a pu être l’intention de l’empereur Alexandre ? Que signifie cette déclaration inattendue et un peu hautaine d’un des plus puissans, du plus silencieux des souverains témoignant ses sympathies à un des plus petits princes de l’Europe, rejetant pour ainsi dire dans un oubli volontaire les plus anciennes traditions d’alliance et d’amitié avec les premières monarchies du continent ? Il est clair que la brève allocution de l’empereur Alexandre 111 a causé une désagréable surprise à