Français à neuf, simplifier l’homme moderne, c’est-à-dire l’écourter, le mutiler dans ses idées, dans ses mœurs, dans sa conscience, dans tout ce que lui avaient ajouté cent générations. Les jacobins l’ont tenté, ils ont échoué ; en vain ont-ils coupé la France en morceaux, lui appliquant le procédé conseillé par Médée aux filles de son ennemi pour rajeunir leur père. Les Français eussent mieux connu la Grèce, qu’ils eussent renoncé à faire de la France une cité antique. Ils auraient appris de Thucydide et de Xénophon à se défier de l’humeur de Démos. Que ne savaient-ils un peu de grec et n’avaient-ils pratiqué nos auteurs ! Aristote et Polybe leur eussent enseigné que le meilleur gouvernement est un gouvernement mixte. Nous l’avions découvert il y a deux mille ans ; mais l’expérience des anciens est perdue pour les modernes. L’histoire de l’Europe est en raccourci dans celle de la Grèce antique : puissent la France et l’Occident ne pas finir comme la Grèce ! »
Au Grec succéda un ecclésiastique hispano-américain, délégué de la république de l’Equateur, professeur d’histoire et d’éloquence sacrée au séminaire de Quito. Il parlait avec solennité, pur sentences, en homme accoutumé à enseigner au nom de la vérité infaillible. « Dans toutes les choses humaines, dit-il, il y a, depuis la chute, le bien et le mal. Le mal, dans la Révolution, vient du paganisme, ancien ou moderne, des Grecs, des Romains, de la Renaissance ; le bien vient de l’Évangile. La vraie Révolution a été inaugurée, il y a dix-huit siècles, sur les collines de Galilée. Les idées de justice et de liberté sont la semence du Christ ; mais Satan a passé, il a semé l’ivraie au milieu du froment, et l’ivraie a étouffé le bon grain. On accuse l’Église d’être l’ennemie de la Révolution ; c’est que la Révolution a méconnu l’Église et son Christ. Nous n’étions pas les ennemis de la Révolution à l’aurore de 1789 ; les cahiers du clergé réclamaient toutes les réformes légitimes : l’abolition des privilèges, la liberté et l’égalité civiles. Les curés, c’est-à-dire la portion la plus évangélique du clergé, se joignaient au tiers pour constituer l’assemblée nationale. Ils sentaient, ces curés dont la Terreur allait faire des martyrs, que les nouveaux principes découlaient du christianisme. L’Évangile est le vrai code des droits de l’homme. L’idée même du droit est une idée chrétienne. L’esprit du Christ, fermentant au milieu du monde, y a fait lever des notions qui n’étaient pas du monde. Liberté, égalité, fraternité, cette sublime et spécieuse devise semble dérobée à nos saints livres. Toutes ces nouveautés se trouvent dans nos antiques paraboles. La Révolution, en s’en emparant, n’a fait que les déformer sous les influences païennes. L’Evangile a proclamé la liberté des