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titres, assuraient-ils, on ne vous distribuera plus ni vivres ni argent ; on vous obligera à payer l’impôt de la terre, et les parcelles de votre territoire demeurées en dehors du partage seront vendues à des blancs qui s’établiront dans la réserve. Or le Peau-Rouge éprouve, pour le settler blanc, une horreur profonde. Il redoute par-dessus tout le voisinage dangereux de ces visages pâles sans foi ni loi, dont maintes fois il éprouva les instincts cruels.

A la tête des opposans se montrèrent les Cinq Nations civilisées du Territoire Indien. Exclues des bénéfices de la loi, certaines d’entre elles invitèrent les autres tribus rouges à en repousser l’acceptation.

Toutefois, ce sentiment n’était pas unanime. Voici un extrait de la profession de foi récente d’un parti de Creeks : « Un petit nombre de citoyens possèdent, à l’exclusion des autres, de vastes étendues de terrain. Nous condamnons cette pratique comme une espèce de monopole. Chaque citoyen, riche ou pauvre, n’a droit qu’à une fraction de notre patrimoine commun. En conséquence, nous demandons au conseil national de voter une loi réglant l’étendue des propriétés closes et des pâturages. »

Les avis étaient donc partagés, et si certains indigènes se montraient les adversaires de l’Allotment Act, d’autres regardaient comme indispensable de rogner les terres des riches propriétaires et de diviser les terrains entre tous les membres de la tribu.

Quoi qu’il en soit, le président ordonna, dès le courant de 1887, l’arpentage des réserves où les indigènes se montraient favorables à la loi. Des agens expédiés sur les lieux entreprirent immédiatement les travaux.

En assignant aux Cinq Nations, sous le nom de Territoire Indien, le vaste domaine compris entre l’Arkansas et la Rivière-Rouge, le gouvernement fédéral avait, en fait, aggloméré ces indigènes en une masse compacte, formé une sorte de confédération d’individus de même race dont l’alliance, à un moment donné, eût pu nuire à ses intérêts. Mais, fidèle à sa politique, il ne tarda pas à opérer, à prix d’argent, le démembrement de cette vaste réserve : ce mouvement commença dès 1866. Les terres inoccupées coupent aujourd’hui les divers parallélogrammes attribués aux peuplades rouges. Une partie de ce terrain sans propriétaire (l’Oklahoma) vient d’être ouverte à la colonisation, et les settlers s’y sont précipités avec avidité en attaquant ce territoire au sol vierge par tous les points à la fois.

En 1887, M. Atkins, directeur des affaires indiennes, traitait ce sujet avec la compétence que lui donne l’exercice de ses hautes fonctions. Deux choses, selon lui, devaient marquer leur influence sur l’avenir du territoire libre, enclavé dans la grande réserve des