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pour présenter leurs doléances au grand-père[1], vivaient des produits de la chasse et de la pêche. Ils erraient dans les solitudes, prairies ou forêts vierges, des glaces de la baie d’Hudson aux tièdes lagunes du golfe du Mexique, sur une superficie de 20 millions de kilomètres carrés.

On considéra d’abord ces hordes éparses comme autochtones. Mais, au fur et à mesure de la disparition des forêts qui leur servaient de repaire, on découvrit de toutes parts des ruines colossales, des murailles cyclopéennes et des monumens bizarres dont on désigna les architectes sous le nom de Mount-Builders, édificateurs de montagnes.

La plupart de ces ruines, d’ailleurs fort nombreuses (on en compte près de 12,000 dans le seul état de l’Ohio), présentent une réelle importance. Une enceinte, vraisemblablement destinée à protéger une immense population, mesure une superficie de 57 hectares et 5 kilomètres de tour. Pêle-mêle avec ces débris, on trouve des sculptures, des poteries, des ustensiles de cuivre, des éclats de silex, des pointes d’obsidienne, des ossemens humains et des calumets modelés en forme d’éléphans.

Après les conquérans et les trappeurs, les savans sont arrivés, déclarant que ces hommes, peut-être contemporains du mammouth, paraissent avoir été les premiers habitans de l’Amérique, et, à propos des monumens, que l’on ne saurait attribuer à des populations nomades des œuvres de cette importance. L’unité du plan, la solidité des assises, prouvent qu’ils ne furent pas entrepris par des peuples ayant à faire face à une invasion subite. En conséquence, les clans dont ils constituaient le refuge étaient sans doute sédentaires, et campés soit dans l’intérieur même de ces enceintes, soit à leur proximité.

Que sont devenus ces peuples ? Ils n’ont point sculpté de hiéroglyphes dans la pierre et n’ont laissé d’autre trace de leur existence que les ruines colossales dont nous venons de parler. N’y aurait-il pas lieu d’attribuer leur extinction à l’invasion des Peaux-Rouges ? Nous nous bornerons à poser la question, sans essayer de la résoudre.

Les Indiens actuels conservent la tradition vague d’une époque où les animaux sauvages infestaient le territoire et où, comme à toute période antéhistorique, des serpens monstrueux, d’énormes mammouths et des géans s’entre-déchiraient dans des luttes formidables.

Ils racontent aussi, d’après une légende fort ancienne,

  1. Le président des États-Unis.