est difficile de consentir à cette injure populaire : « imbécile, » qui prouve que l’espèce humaine attache une honte à la sottise, même involontaire, et il toute infériorité intellectuelle.
A plus forte raison y aura-t-il toujours une fierté attachée à cette beauté intérieure des sentimens et de la volonté qu’on nomme beauté morale. Cette fierté est ce qui se rapproche le plus du sentiment moral appelé dignité. On a dit que la vanité est une dignité superficielle, et la dignité une vanité profonde : en fût-il ainsi, ces sentimens n’en ont pas moins une importance sociale de premier ordre, parce qu’il importe à la société que chaque individu ait le souci de sa valeur personnelle. Mais il y a une profonde différence, même pour un philosophe déterministe, entre la dignité qui s’attache aux qualités intérieures et la vanité qui se joue au dehors. Il y a là une question de valeur comparative que la vie même nous met souvent en demeure de résoudre. Il est des cas où l’être moral sacrifie ses avantages physiques, s’il le faut, par dévoûment à autrui. Une femme exposera la beauté de son visage pour soigner des malades atteints de la petite vérole : elle met, en ce cas, sa beauté intérieure au-dessus de l’autre : elle se considérerait infiniment plus déchue d’avoir conservé le charme de ses traits au prix d’une lâcheté ; elle immole donc la beauté physique à la beauté morale, et il n’y a pas là seulement cet amour de soi pour soi-même qui est la vraie vanité, mais cet amour de soi pour autrui qui est la vraie dignité. En même temps, celui qui la verra ainsi défigurée, mais qui saura que cette sorte de déchéance physique est l’œuvre volontaire du dévoûment moral, éprouvera un sentiment de respect pour ce visage enlaidi, symbole d’une âme embellie.
L’idée même de mérite moral, — autre tourment de l’école kantienne, — pourra conserver un équivalent esthétique jusque dans une théorie déterministe des mœurs. En effet, il y a une beauté passive qui ne peut se modifier par la conscience d’elle-même : telle est celle du visage : et il y a une beauté active qui peut se modifier par la conscience, et le sentiment de soi : telle est celle des actions. Cette distinction, toute scientifique, subsistera même dans une morale déterministe. La beauté interne sera toujours un objet d’admiration par elle-même ; la beauté externe demeurera une simple apparence et un symbole extérieur ; si on l’admire, c’est seulement comme un phénomène de surface, non comme quelque chose de fondamental et d’intime. Les déterministes soutiendront, il est vrai, qu’il y a là simplement une question de degré : si la beauté des traits n’est que la manifestation phénoménale d’une