va jusqu’à dire qu’elle était élégante. Du reste, l’enthousiasme populaire ne tarda pas à la transfigurer ; la légende la fit blonde, tandis qu’elle semble avoir été brune. Ce n’est donc point un scrupule d’érudit qui a dû décider M. Fremiet à entreprendre une besogne si courageuse et si dangereuse. Il a cédé à ce besoin impérieux qu’éprouvent les grands artistes de poursuivre cette perfection qui leur échappe toujours, même lorsque le vulgaire les croit satisfaits. Par ce temps de contentemens faciles et de présomptions vaniteuses, ce n’est pas un médiocre exemple de désintéressement et de conscience. Les endroits sont assez nombreux sur le sol français où la vaillante pucelle a marqué sa trace pour qu’il ne soit pas embarrassant de donner à cette nouvelle œuvre de M. Fremiet une destination utile et glorieuse. Mais nous regretterions de voir cette grande sœur chasser de la place des Pyramides la petite sœur que nous y avons tant aimée.
Lorsqu’on regarde la statue de M. Fremiet, il semble que cet idéal de Jeanne d’Arc depuis si longtemps poursuivi par tant d’artistes, ait été fixé définitivement. Si l’on se retourne du côté de celle de M. Paul Dubois, on voit bien vite que, même pour une figure historique, l’idéal reste toujours insaisissable et qu’il est toujours possible, en le poursuivant, de monter encore plus haut. Il y a longtemps qu’une œuvre d’art ne nous a donné une commotion aussi vive et aussi profonde. Il faut penser aux chefs-d’œuvre les mieux venus, les plus spontanés et les plus savans à la fois de la renaissance, pour trouver un accord pareil de l’inspiration et de l’exécution. Tandis que la plupart de ses prédécesseurs, soit peintres, soit sculpteurs, dans la crainte d’altérer le caractère pur de la vierge inspirée, l’ont presque toujours montrée au repos, soit à Reims, soit à Domrémy. M. Paul Dubois a vu en elle la missionnaire en action : il n’a pas hésité à charger sa petite main de la longue épée avec laquelle elle commandait résolument ses troupes. Petite, souple, fine, fermement assise sur une selle basse, presque dressée, sur la pointe des pieds, dans ses étriers, la tête levée vers le ciel et tenant à peine ses rênes, elle laisse aller, confiante et décidée, le cheval fier et nerveux qui la porte. Cet animal est superbe ; il pousse en avant comme s’il avait conscience de son rôle, marchant au trot, la jambe haut levée, en cheval de fine race. Le mouvement est admirablement marqué, sans effort, sans violence, par toute la poussée du corps, l’inclinaison de la crinière, la fuite de la queue. Le mouvement correspondant de la cavalière n’est pas moins sûrement indiqué. Pour élever en l’air son épée, Jeanne a dû retirer vivement le bras en arrière, et ce geste a soulevé l’épaulière, qui laisse voir sous l’aisselle la cotte de mailles. Il suffit de ce léger