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clairement. Le Jour de la visite à l’hôpital, par M. Jean Geoffroy, une touchante étude d’enfant malade, le Retour d’exil, par M. Delort, où toute l’impression est due à l’habile représentation d’un appartement délabré et saccagé, le viatique dans la montagne, par M. Claude ; le Coup de collier, par M. Danlan ; l’Aveu tardif, par M. Aimé Perret ; le Feuilleton intéressant, par M. Celhay, et surtout les Laveuses, par M. Lhermitte, et la Question difficile, par M. Kuehl, montrent qu’il est inutile de se tant gonfler pour faire œuvre de peinture excellente ou intéressante.

Si le juste sentiment des proportions est nécessaire dans les tableaux de genre, il ne l’est pas moins dans les paysages. Sous ce rapport, nos jeunes contemporains ne montrent pas, en général, une conscience plus exacte de leurs forces ni une intelligence plus perspicace de leurs intérêts. Si l’on continue à marcher de ce train, si l’on s’obstine à vouloir lutter, pour la dimension des toiles, pour la vélocité du pinceau, pour le trompe-l’œil du rendu, avec les brosseurs de panoramas forains ou de décors de théâtre, on risque fort de perdre tout ce qui a été acquis, au prix de tant d’efforts et de conscience, par toute l’école précédente dont les survivans, nous le constatons encore, restent, malgré leur âge, les maîtres, par l’exemple comme par les souvenirs, de la génération actuelle.

Ce n’est pas que depuis l’époque où MM. Français, Busson, Harpignies ont paru sur l’horizon, il n’ait été fait des excursions plus audacieuses que les leurs dans le champ infini du paysage. À vrai dire même, ces maîtres ne peuvent pas compter parmi ceux qui ont ouvert des voies tout à fait nouvelles ni des voies téméraires. Leur talent, calme et reposé, circonscrit à l’ordinaire dans les sites agréables et doux de la France centrale, a toujours conservé un certain caractère de prudence et de modération. Mais comme ils ont toujours fait ce qu’ils pouvaient faire avec une extrême conscience, comme ils n’ont cessé de se corriger et de se compléter, ils ont acquis, à force d’expérience, une sûreté de main qui donne à leurs œuvres, même les moins inattendues, une sûreté et une unité qui ressemblent quelquefois à de la grandeur. Le Vallon de l’Eaugronne, près Plombières, par M. Français, est un de ces paysages exacts qui eussent fait envie aux honnêtes peintres de 1789, tout aussi consciencieux que leurs successeurs, mais à qui manquaient cette science sûre et cet aimable tour de main. Les deux toiles de M. Harpignies, la Vue prise à Antibes et la Pleine lune, d’une ordonnance nette et ferme, d’un dessin vigoureux et très lisible, d’une coloration forte et soutenue, ont cet accent de maîtrise un peu fier qui, depuis