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un peu brutalement même, mais sans grossièreté ni minauderie. La peinture de M. Deully ne manque ni de force, ni d’effet, et peut bien faire augurer de son avenir.

C’est toujours la future Sorbonne qui fournit au Salon ses pages les plus importantes de peinture historique. Les trois pointures qui lui sont destinées par MM. Chartran, Lerolle, Flameng, subissent toutes, plus ou moins, l’influence désastreuse de ces idées courantes qui font consister l’harmonie décorative dans l’atténuation systématique des couleurs et des formes, sans tenir compte ni des lieux ni des circonstances. Il faudra voir ce que cela donnera en place. On ne saurait nier, dans les peintures de M. Lerolle et de M. Flameng, un sentiment très juste et très raisonné des époques historiques qu’ils avaient à représenter, en même temps qu’une entente habile de l’unité expressive à établir dans la composition. Sous ce rapport, le Rollin, principal du collège de Beauvais, par M. François Flameng, nous paraît même supérieur à ses précédens travaux pour le même édifice. En s’enfermant, au déclin d’un jour d’automne, dans cette cour, grave et un peu froide, du collège de Béarnais, avec Rollin, ses collaborateurs et ses élèves, M. Flameng s’est enfermé aussi dans son sujet avec une sympathie plus sérieuse et plus profonde. Tous ces personnages studieux, groupés librement dans leur prison volontaire, s’y entretiennent sans pédantisme dans la paix d’une lumière douce qui semble refléter la paix de leur conscience, La même unité, la même sincérité, la même bonhomie, avec une clarté plus vive et un accent délicieux de fraîcheur, attirent vers le panneau de M. Lerolle, Albert le Grand au couvent Saint-Jacques. Mise en scène presque semblable, mais quatre siècles plus tôt, dans un cloître planté d’arbres ; professeurs et étudians sont en blanc au lieu d’être en noir ; c’est toujours l’automne, l’automne plaît aux philosophes, seulement la lumière est blanche et douce, lumière d’aurore et non de soir. C’est à l’école saine et honnête des paysagistes que M. Lerolle a appris l’amour de ces harmonies calmes de lumière par lesquelles ses œuvres se distinguent entre toutes. M. Chartran, qui avait à montrer Ambroise Paré pratiquant la ligature des artères au siège de Metz, en 1553, a abordé son sujet avec moins de simplicité. La mise en scène, habilement conçue, mais suivant les formules théâtrales, rejette au second plan l’action principale en faisant occuper les premières places par des figures épisodiques ; à gauche, c’est un évêque, entouré de son clergé, qui bénit de loin l’armée qui passe dans le fond ; adroite, ce sont, près d’une fontaine, un soldat blessé qui, se repose, et un autre soldat, portant sur ses épaules une botte de paille. Une des vérités reconquises en ces dernières