dans cette voie et certaines publications récentes jettent un jour nouveau sur la vie sociale, intellectuelle et morale d’une génération qui s’éteint. Ce sont de nobles types et de belles figures féminines, celles que nous révèlent les mémoires de James et Lucretia Mott[1], la biographie de Margaret Fuller Ossole[2], les lettres de Maria Child[3]. Ces existences, vouées à des œuvres utiles, dignement remplies, mettent en un relief puissant cette grandeur de cœur et d’esprit qui est l’indiscutable apanage et le trait caractéristique de nombre de femmes aux États-Unis.
Enfin, si le journalisme américain ne pousse pas la pruderie aussi loin que le faisait, il y a peu d’années encore, le journalisme anglais, s’il n’ignore pas volontairement certains vices et ne garde pas un silence absolu sur le péril que ces vices font courir à la société, si, par le compte-rendu des procès en divorce, des scandales mondains, il soulève le voile et permet de jeter un coup d’œil sur la vie privée, il ne parle que de ce que tout le monde sait, et ses indiscrétions ne sont pas plus des révélations que les exceptions ne sont la règle.
Ces réserves expliquent pourquoi les nombreux ouvrages publiés sur les États-Unis abondent en détails sur la jeune fille américaine, nous la peignent, suivant le sexe, l’âge et l’humeur de l’écrivain sous des formes si variées et si contradictoires, multipliant les exemples et les faits, les anecdotes et les commentaires, et sont presque tous muets sur la femme mariée. Il semble, à les lire, qu’elle n’existe pas, et quand il en est fait mention, c’est comme hospitalière maîtresse de maison, à l’occasion d’un bal ou d’un dîner, comme mère indulgente aux coquetteries de ses filles, ou comme épouse infidèle qu’un scandale retentissant livre au grand jour de la publicité. Il y a cependant autre chose à en dire, et sa vie n’oscille pas uniquement entre ce rôle éteint et banal ou ces bruyans écarts.
Son mariage, cette grande affaire de sa vie, dépend d’elle et d’elle seule. Si l’homme qu’elle choisit, en toute liberté, est par le fait des circonstances adventices, en mesure de l’épouser tout de suite, le mariage se conclut promptement ; de plain-pied, après un court voyage de noces, elle entre en possession de son domaine, hôtel, cottage ou simple appartement. Si, au contraire, et c’est fréquemment le cas, là où l’inclination personnelle détermine seule son choix, la position de son futur époux n’est pas encore assurée, elle