Là, plus et mieux qu’ailleurs, elle peut donner librement carrière à ses goûts de dépense et de toilette, de réceptions et de fêtes, de flirtation et de plaisir. La vie sociale, dont elle est l’âme, est organisée pour elle et le mœurs américaines lui assurent une liberté aussi complète qu’elle saurait l’être. On en a parfois exagéré l’étendue, fait de quelques exceptions tapageuses et bruyantes une règle générale, et l’on a attribué aux jeunes misses de New-York des allures par trop vives ; la réalité, telle qu’elle est, suffit et offre avec nos coutumes un contraste assez déconcertant sans qu’il soit besoin de l’accentuer encore. Amazones intrépides, elles cavalcadent en bande ou accompagnées du cavalier qu’elles admettent momentanément à l’honneur de les courtiser, dans les allées du Central-Park, ou bien elles y conduisent un léger buggy attelé d’un rapide trotteur. L’hiver, elles organisent des parties de traîneaux ou patinent sur les lacs. On les rencontre dans les grands magasins, dans les confiseries à la mode sans autre escorte que leurs amies ou amis ; le soir, au théâtre et au bal ; l’été, à Newport, à Saratoga, à Long-Branch, à Bar-Harbor, étalant dans les casinos des toilettes luxueuses à mettre en fuite un mari futur ; l’automne, Paris et Londres, Florence et Rome, Naples et Lucerne les attirent. Elles remplissent nos hôtels européens de leur exubérante gaîté, de leurs fantaisies excentriques ; on les croise sur toutes les routes, infatigables excursionnistes, visitant tout, explorant tout, partout aussi libres que chez elles, insouciantes de l’étonnement qu’elles causent, des commentaires qu’elles provoquent.
« c’est très joli, disait Walpole, mais… que fait-on de cela à la maison ? » Ce qu’en font neuf fois sur dix les Américains : de paisibles femmes d’intérieur ; ce qu’en font les Anglais : des comtesses, des marquises et des duchesses portant dignement les plus grands noms du royaume-uni. De ce que leurs vives allures vont à l’encontre de nos idées reçues et les exposeraient, chez nous, à des interprétations qui, à tout prendre, seraient moins à notre honneur qu’au leur ; de ce qu’elles s’écartent du type conventionnel que nous nous faisons de la jeune fille, type auquel notre implacable logique entend ramener bon gré mal gré toute une catégorie d’êtres humains, quels que soient leurs aspirations, leur nature et leurs goûts, il ne s’ensuit pas cependant que les Américains soient dans le faux absolu et nous dans le vrai absolu. Les résultats qu’il donne sont le véritable critérium d’un système social, et, à en juger par les résultats, on ne saurait affirmer que la grande liberté laissée aux jeunes filles américaines ait, jusqu’à ce jour, abouti à des résultats plus regrettables que le système contraire qui prévaut en Europe. « Nos parens nous ont mariées comme il leur a plu, murmurent les Italiennes ; à nous, maintenant, de faire