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les magasins, dans la rue et dans les parcs, dans les salons et dans la maison paternelle, la femme est reine.

Toute royauté a son point de départ ; nous avons indiqué quel fut le sien. Toute royauté a sa raison d’être ; elle justifie la sienne par sa double supériorité. C’est aux sources vives de toute beauté physique qu’elle a puisé ses charmes. Unis jeunes et par amour, son père et sa mère lui ont transmis les dons que la nature prodigue aux enfans de la jeunesse et de l’amour. En elle s’affinent les traits caractéristiques d’une race vigoureuse et saine, parfois, comme dans l’Ouest, pure de tout mélange. Là où l’immigration a fait intervenir, comme dans les États de l’Est, un facteur nouveau, ce facteur a modifié, non déformé, le type primitif. Le sang hibernien, français, italien, allemand, qui se mêle dans ses veines au sang anglo-saxon, tempère de vivacité ou de morbidesse, de grâce ou de langueur les contours trop arrêtés qu’elle tient de ses ascendans. Aussi retrouve-t-on sur ce sol presque tous les genres de beauté plastique : la voluptueuse nonchalance de la créole, l’aristocratique pureté de lignes de l’Anglaise, l’expressive et mobile physionomie de la Française, le teint éblouissant et les formes sveltes des filles d’Irlande. À ces races diverses elle a emprunté ce qui constituait la supériorité de chacune ; la jeunesse et l’amour ont fait œuvre d’élimination, le mariage étant aux États-Unis, plus que partout ailleurs, le résultat d’une instinctive affinité.

Longtemps renfermée dans le cadre lointain d’un continent peu visité, et ne possédant rien qui fût alors de nature à attirer le voyageur curieux ou le touriste observateur, la beauté des femmes américaines, légendaire parmi les officiers de marine ou les diplomates que leurs fonctions amenaient sur les côtes ou à Washington, se révéla le jour où la facilité des communications et l’instinct nomade de la race provoquèrent un exode régulier d’Américains enrichis. La vieille Europe les attira ; ses monumens, ses palais, ses villes et ses musées devinrent le but de pèlerinages réguliers, le complément d’une éducation sérieuse, surtout pour les femmes. Londres et Paris, Florence et Munich, Rome et Dresde virent se fonder dans leurs murs des colonies américaines, kaléidoscopes mobiles et changeans, dont le personnel, incessamment renouvelé, incessamment s’accroissait, et qui gravitait autour de quelques familles riches et connues, établies à demeure. De là la prise de possession, dans chacune de ces villes, de certains quartiers spécialement affectionnés par la colonie américaine. Elle s’y concentre et y vit ; c’est une cite étrangère dans la grande ville française, anglaise, italienne ou allemande.

Un proverbe anglais dit qu’il faut sept ou huit générations pour