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bases de la réconciliation ; mais soit calcul, soit impuissance à trouver une formule, il se déroba, en se retranchant dans de significatives généralités. Tout en protestant de son attachement aux deux souverains, qui, disait-il, lui imposait une neutralité amicale, il déclara qu’en cas de conflit, il se verrait contraint d’intervenir en faveur de la puissance attaquée, et que pour lui la puissance agressive ne serait pas celle qui prendrait les armes la première, mais bien celle dont la conduite aurait forcé sa rivale de recourir à ce parti extrême. Ses oracles s’inspiraient de Montesquieu, qui faisait remonter la responsabilité de la guerre, non pas à ceux qui la déclarent, mais à ceux qui, par leurs actes, la rendent inévitable. « Signataire et garant des traités de 1815, disait le tsar, je serai forcé d’intervenir en Allemagne en faveur de la puissance qui s’en constituera le défenseur. « Il était évident qu’il prenait fait et cause pour l’Autriche. Dans ses entretiens avec le comte de Brandebourg, il avait apprécie, d’ailleurs, en termes sévères, la politique louvoyante et révolutionnaire du roi et il n’avait pas caché que, s’il devait y persévérer, il l’abandonnerait à son sort. Il n’était pas homme à livrer l’Allemagne à la Prusse; il savait que, le jour où l’Autriche cesserait d’être une puissance germanique, elle serait condamnée fatalement à chercher son expansion en Orient et à barrer à la Russie le passage des Balkans. C’est ce qu’Alexandre II, mal inspiré, sous l’empire d’étroits ressentimens et séduit par les cajoleries du roi Guillaume, son oncle, refusa de comprendre en 1866 et en 1870.


IV. — L’EPILOGUE DE LA POLITIQUE D’ERFURT.

Le président du conseil revint de Varsovie consterné ; selon Ini. le seul moyen d’échapper à une guerre désastreuse était de sortir au plus vite de l’aventure d’Erfurt et de s’entendre, coûte que coûte, avec le cabinet de Vienne. Mobile, timoré, Frédéric-Guillaume ne craignait pas d’évoluer en face du danger et de faire de ses ministres les victimes expiatoires de ses erreurs. Sans sourciller et sur l’heure, il donna congé au général de Radowitz et confia à l’habileté du comte de Brandebourg le soin de remettre à flot sa politique désemparée.

Le comte de Brandebourg ne se fit pas prier; pénétré des remontrances du tsar, il écrivit prestement au prince de Schwarzenberg une dépêche modeste et conciliante. La Prusse brûlait à peu près tout ce qu’elle avait adoré ; elle manifestait l’intention de tempérer sa politique allemande et ses revendications contre le Danemark. Si elle ne faisait pas litière de l’union restreinte, elle se montrait disposée à considérer comme nulle et non avenue la constitution impériale votée je 28 mai 1849 par le parlement de