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à l’Autriche de reprendre pied, officiellement, dans la confédération dont les professeurs de l’église Saint-Paul l’avaient expulsée. Il est vrai, que dans le débat ouvert entre les deux puissances, M. de Schleinitz persistait à se maintenir dans ses positions et à repousser la restauration éventuelle de la diète germanique. « Elle a été dissoute légalement, disait-il, le 12 juillet 1848, avec votre assentiment, pour être remplacée par un de vos princes, l’archiduc Jean, nommé vicaire général de l’empire. Vous avez participé à tout ce qui s’est fait en 1848, vos députés ont siégé à l’église Saint-Paul ; ils se sont, de votre consentement, associés, sans réserves, à tous les travaux de l’assemblée nationale ; vous avez donc mauvaise grâce d’affirmer aujourd’hui que la constitution votée par le parlement avant sa dissolution est illégale, l’invoque les droits qu’elle me confère et c’est en vertu de l’article du pacte de Vienne qui permet aux princes allemands de former entre eux une union restreinte en dehors du lien fédéral, que j’entends procéder à la formation d’une nouvelle Allemagne. — Votre argumentation, répondait le prince de Schwarzenberg, n’est pas sérieuse. L’assemblée de Francfort, en mettant Un à l’existence de la diète germanique, a usurpé un pouvoir qui ne lui appartenait pas. La diète, en transmettant l’exécution de son mandat, n’y a nullement renoncé; elle a confié ses pouvoirs à l’archiduc Jean, pour les remettre plus tard à une autorité définitivement constituée. Or le pouvoir central de1848 n’était qu’une création provisoire, et la transmission a cessé d’être valable avec l’existence du provisoire. » Au fond, ce que voulait l’Autriche, c’était de passer l’éponge sur 1848 et de rétablir de droit et de fait, comme si rien ne s’était passé dans l’intervalle, l’ancienne législation fédérale. C’était trop augurer de la condescendance de la Prusse et traiter par trop cavalièrement les aspirations unitaires. Le cabinet de Berlin ne pouvait admettre de pareilles prétentions; il protesta en termes vifs et altiers contre les procédés du cabinet de Vienne, qui déjà prenait ses mesures pour rétablir le conseil restreint de l’ancienne confédération.

Le 10 mai, le jour même où Frédéric-Guillaume ouvrait à Berlin le congrès des princes, l’Autriche procédait à l’ouverture du plenum à Francfort. C’était élever autel contre autel, méconnaître les protestations de la Prusse, et jeter un dédaigneux défi à la création d’Erfurt. Plus les événemens marchaient, plus les relations des deux gouvernemens s’envenimaient ; jamais elles n’avaient été aussi tendues; les notes et les dépêches se croisaient, chaque jour plus acrimonieuses; on invoquait des argumens subtils, on s’invectivait dans les journaux, comme les héros de l’Iliade avant de se mesurer en champ clos.

Le général de Radowitz perdait du terrain. Frédéric-Guillaume