tenir à la mer et les marins à appeler au service ; et l’adoption d’un programme de constructions navales qui limiterait la liberté d’action du ministre. Chacun des hommes distingués qui se sont succédé à la tête de l’administration de la marine est arrivé au ministère avec un programme personnel qu’il s’est hâté d’exécuter, autant que le lui a permis la brièveté de son passage au pouvoir. L’un ne rêvait que croiseurs rapides, l’autre que canonnières blindées, un troisième était entiché des torpilleurs. Les commandes faites aux arsenaux et aux constructeurs se ressentaient naturellement des préférences du ministre du jour. Nos ports sont aujourd’hui encombrés de bâtimens des types les plus divers : beaucoup de ces bâtimens, objet d’un engouement passager avant que l’expérience eût prononcé sur leur valeur nautique, sont déjà condamnés et disparaîtront de la flotte ; d’autres n’ont pu être maintenus en service qu’au prix de transformations extrêmement coûteuses. Rien de semblable ne serait possible en Angleterre, où le programme préparé par l’amirauté pour l’effectif des forces navales et les constructions neuves est porté devant le parlement, est soumis à une discussion approfondie, et devient une règle impérative après son adoption.
il ne suffirait pas de mettre un frein aux fantaisies ministérielles, il faudrait aussi modifier certaines habitudes administratives. L’amiral Krantz a reconnu qu’on avait le tort de mettre à la fois en construction un trop grand nombre de bâtimens d’escadre. Il semble cependant évident qu’au point de vue de la force effective de la flotte, mieux vaut un cuirassé de plus en état de combattre que dix cuirassés à un degré plus ou moins avancé de construction. Il serait préférable, à tous les points de vue, de pousser activement les bâtimens entrepris, de concentrer sur eux le travail et la dépense, et de hâter le moment où ils pourraient prendre la mer, avant d’en mettre de nouveaux en chantier. Or certains de nos vaisseaux sont demeurés huit, dix et jusqu’à douze années en chantier : durant cette longue période, il s’est toujours rencontré quelqu’un pour critiquer le plan primitivement adopté, ou pour suggérer des perfectionnemens d’après ce qui se fait ailleurs pour les bâtimens de même type. On modifie alors les données premières, on défait et on recommence une partie de ce qui a été fait ; ces remaniemens ajoutent notablement à la dépense et aboutissent à produire un bâtiment qui n’a point les mêmes qualités nautiques que s’il avait été construit d’un seul jet.
Ces pratiques vicieuses ont leur origine dans la surabondance du personnel des constructions navales, qui n’est pas réparti d’une façon rationnelle entre les ports militaires. On n’a voulu réduire le contingent d’aucun port ; il faut trouver de l’occupation pour tout