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ans, à la tribune et dans la presse, il n’est bruit que d’économies ; mais toutes les économies sont-elles sérieuses ou sont-elles intelligentes ? Nombre de crédits, sacrifiés pour satisfaire aux nécessités de l’équilibre budgétaire, ressuscitent immédiatement après le vote du budget, sous la forme de crédits extraordinaires ou supplémentaires. Il faut reconnaître que cette résurrection est quelquefois rendue indispensable par les besoins du service public. C’est ainsi que, dans le budget de 1887, la chambre avait retranché 868,000 fr. du crédit affecté aux services de la trésorerie, bien que l’augmentation du personnel corresponde à peine au développement prodigieux de la dette publique et des pensions qui amènent aux guichets du trésor une foule de plus en plus nombreuse. Les conséquences fâcheuses de ce retranchement se manifestèrent immédiatement, et dès le mois de mai suivant, le parlement dut voter, sous forme de crédit extraordinaire, le rétablissement du crédit supprimé. D’autres expériences n’ont pas été moins malheureuses : par exemple, la suppression de cinquante employés dans le service du contrôle des sucres, opérée au moment où la fabrication indigène reprenait son essor, avait désarmé l’administration des finances vis-à-vis de la fraude. On ne doit pas augurer mieux des réductions qu’on essaie dans le personnel chargé de la perception des impôts directs. La chambre a été désagréablement surprise en apprenant de la bouche de M. Peytral que la suppression d’une recette particulière ne procurait au trésor qu’une économie de 4,000 francs. La disparition totale des recettes particulières serait donc d’une bien médiocre ressource pour équilibrer le budget, et en supprimant le contrôle que les receveurs particuliers exercent aujourd’hui à leurs risques et périls sur les percepteurs, elle nécessiterait la création immédiate d’un service spécial d’inspection. Aussi le nouveau ministre des finances, M. Bouvier, a-t-il demandé à la commission du budget de 1890 qu’on ne procédât plus à aucune suppression, jusqu’à ce que l’expérience permit d’apprécier la valeur de cette prétendue réforme. Loin de repousser cette demande, la commission, reconnaissant le préjudice causé au service public par des retranchemens malavisés sur le petit personnel, a rétabli au budget (lu ministère des finances 6 millions supprimés dans les aimées précédentes. Il est à remarquer que le zèle de nos réformateurs s’est exercé surtout aux dépens des services actifs, et qu’il respecte les bureaux des administrations centrales, rendus inviolables par la présence des protégés des ministres ou des députés. Enfin, c’est sur les petits que l’on s’acharne : on vote aisément une hécatombe de commis : il n’est jamais question de supprimer ni un directeur, ni même un chef de division. La chambre a assisté,