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régit les caisses d’épargne, il est servi aux déposans un intérêt de 4 pour 100 : les fonds versés par eux doivent être placés en valeurs de l’État par les soins de la caisse des dépôts et consignations, et si l’intérêt obtenu au moyen de ces placemens n’est pas supérieur ou égal à 4 pour 100, l’État doit parfaire la différence. C’est le cas qui se présente depuis quelques années, et l’État a dû verser, chaque fois, à la Caisse des dépôts et consignations 1 million 1/2 environ pour compléter l’intérêt dû aux déposans ; mais, pendant une assez longue période, lorsque les rentes françaises portaient un intérêt plus élevé qu’aujourd’hui ou se négociaient à des cours plus bas, la Caisse des dépôts et consignations a pu placer les fonds des déposans à des conditions meilleures, et ses recettes ont dépassé les déboursés qu’elle avait à faire. Ces excédens de recettes ont constitué ce qu’on a appelé les réserves des caisses d’épargne, c’est-à-dire un fonds commun, destiné à garantir aux déposans le remboursement intégral de leurs dépôts, au cas où la Caisse des dépôts ne pourrait pas réaliser son portefeuille dans de bonnes conditions, et à couvrir les sinistres du genre de ceux qui, à Tarare et dans d’autres villes, ont atteint des caisses d’épargne. Cette réserve dont l’importance s’élevait, au 30 décembre 1887, à 42,275,701 francs était la propriété collective, le gage commun de tous les déposans : en tout cas, l’affectation n’en pouvait être changée que par une loi, rendue dans les formes régulières : néanmoins le ministre des finances ne s’est pas fait scrupule de prélever 1,500,000 francs sur ce fonds vainement protégé par la loi, et la chambre, malgré quelques protestations, a ratifié cette appropriation du bien d’autrui. Ce fait est digne de remarque parce qu’il montre tout à la fois quelle est l’intensité des besoins d’argent et à quel point le sens moral s’est affaibli chez nos gouvernans.

Quelque répréhensible que soit l’emploi de pareils moyens, si cet équilibre, dont nos gouvernans ont déshabitué le pays, était réellement obtenu en 1889, ce serait un incontestable progrès sur les exercices précédens ; mais il ne faut pas oublier que nous ne parlons ici que du budget ordinaire, et que ce budget, depuis bien des années, a cessé de représenter la totalité des dépenses publiques. Nombre de dépenses n’y figurent plus, parce qu’il était devenu impossible d’y faire face avec le produit des impôts ; mais elles n’en doivent pas moins être payées et elles comptent parmi les charges du pays : seulement elles sont couvertes par des emprunts contractés sous les formes les plus variées et qui vont s’accumulant. C’est là la plaie la plus grave de nos finances, et elle semble incurable. Voici rémunération, pour 1889, de ces dépenses extra-budgétaires dont la plupart ne figurent dans la loi de finance que par les intérêts des emprunts qu’elles nécessitent. Sur les