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les élections prochaines, et nulle part on ne le voit mieux que dans cet étrange et hardi rapport fait récemment par M. Burdeau sur le budget, qui sera ou ne sera pas voté par une chambre épuisée. Déjà, il y a quelques semaines, M. le ministre des finances, qui est un homme d’esprit et de ressources, avait promis de prouver que jamais la situation financière de la France n’a été plus favorable et plus prospère! M. le rapporteur Burdeau est entré le premier délibérément dans cette démonstration faite pour émerveiller les contribuables qui iront bientôt au scrutin. A entendre M. le rapporteur du budget, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes financiers! Au lieu des déficits que les esprits chagrins croient remarquer, il n’y a que des excédens somptueux et croissans ! Les dépenses, bien loin d’augmenter, ne font que diminuer par la sagesse du gouvernement et de la chambre! L’amortissement est dans toute sa puissance, l’équilibre n’est plus un vain mot ! c’est fort bien ; mais alors à quel propos a-t-on si souvent parlé de la nécessité de nouveaux emprunts et de nouveaux impôts? Que signifient les appels désespérés et sans cesse renouvelés des républicains eux-mêmes à l’économie? Pourquoi a-t-on reculé d’année en année devant une liquidation nécessaire et s’est-on borné à ce qu’on appelle un budget d’attente? A qui pense-t-on faire illusion avec ces banalités d’un optimisme jouant avec les chiffres? Le fait est que, depuis dix ans, état, départemens et communes ont été chargés de dettes croissantes pour des travaux ruineux et pour l’exécution de lois de secte, que l’équilibre est une simple chimère, qu’on n’évite l’aveu d’un déficit trop réel qu’en dissimulant les dépenses dans tous les replis du budget, dans toute sorte de comptes particuliers. Au fond, la situation, en dépit de tous les optimismes de parti, reste aujourd’hui ce qu’elle était hier, elle n’est pas sans doute au-dessus de la France sagement conduite, elle n’est pas moins difficile et embarrassée. C’est une fausse politique qui a fait les finances troublées; il n’y a qu’une politique mieux inspirée qui puisse les relever, et cette politique, elle n’est possible que par la franchise, par la résolution d’hommes de bonne volonté, décidés à satisfaire le pays dans ses sentimens, dans ses intérêts et dans ses vœux.

Commémorations et exposition vont, en attendant, occuper la France, et, sans faire oublier les élections, elles offrent certes assez d’intérêt pour distraire l’opinion, comme aussi pour attirer les étrangers, bien assurés de trouver à Paris une libre et facile hospitalité. Ce n’est pas la paix intérieure qui manquera à nos fêtes parisiennes, elle n’a jamais été plus complète; ce n’est pas non plus la paix extérieure, personne, à ce qu’il semble, n’a envie de la troubler. Les chefs des monarchies européennes n’ont point, il est vrai, jugé à propos d’avoir une représentation officielle au Champ de Mars, encore moins, bien entendu, à Versailles, le 5 mai. Leurs ambassadeurs eux-mêmes, absens pour la