— qu’il y aurait, de même qu’une optique de la scène, un « style de théâtre » et, pour ainsi parler, une grammaire dramatique dont les incorrections, en rendant le dialogue plus rapide, le rendaient par cela seul plus convenable à son objet, qui est d’abord d’agir. Et je ne nie pas qu’avec un peu d’adresse le paradoxe ne se puisse défendre, que même il ne contienne sa part de vérité ; mais, de la manière qu’on le défendait, vous auriez pu croire que la première condition du style dramatique, c’était de ne pas être français, et la loi de toutes les lois au théâtre, de n’avoir rien de commun avec la « littérature. » M. Jules Lemaître a pensé que de nos jours même, et en prose, dans une comédie de mœurs contemporaines, le style, c’est-à-dire, et dans le sens le plus ordinaire du mot, la justesse de l’expression, l’agrément et l’élégance du tour, la distinction de la pensée, ne perdaient pas les droits légitimes qu’elles ont partout ailleurs, et que pour que le public les y reconnaisse et les y applaudisse, il suffit d’avoir le courage de les y mettre, si l’on a toutefois le talent nécessaire. Pour faire du « théâtre, » M. Lemaître n’a pas cru devoir commencer par abdiquer ses qualités d’écrivain. Sans effort et sans recherche, il les a portées à la scène. Et je ne sais comment, mais elles ont paru si nouvelles que peut-être, toutes seules, elles eussent suffi pour assurer son succès. Nous avions déjà signalé le même genre de mérite dans la Pepa de M. Ganderax.
Je n’aime pas moins cet autre genre encore de courage dont M. Lemaître a fait preuve en rompant avec de certaines conventions dont on nous répétait également, — dont on nous a redit même à propos de Révoltée, — qu’elles étaient nécessaires. Par exemple, il semblait entendu qu’une « femme du monde » à qui l’on murmure des paroles d’amour doit immanquablement s’y laisser prendre ou plutôt engluer. Elle pouvait refuser de les écouter, y couper court, s’en montrer offensée : mais, du moment qu’elle y prêtait l’oreille, elle n’avait pas le droit, « au théâtre, » de soupçonner la sincérité des déclarations qu’on lui faisait. Une des meilleures scènes de Révoltée est la scène du deuxième acte où Mme Rousseau, la « révoltée, » tout en marivaudant avec le jeune M. de Brétigny. lui fait ironiquement entendre qu’elle n’est pas si novice que d’ignorer la valeur de ses propos d’amour, que si jamais elle lui cède, il ne devra pas se faire d’illusion sur les raisons qui l’auront décidée, et que par conséquent, avant de la solliciter davantage, il ait lui-même à mesurer l’étendue de l’engagement qu’il va prendre. Si cela n’était pas encore « dramatique, » ou ne l’était plus, il est bon que cela le soit redevenu. Il était également entendu « qu’au théâtre, » un mari que sa femme a cessé d’aimer doit se draper aussitôt dans sa dignité, se fâcher et punir, ou pardonner et s’en aller, mais ne jamais composer, transiger, essayer de dissiper simplement et franchement le malentendu