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REVUE DRAMATIQUE

Révoltée, comédie en quatre actes, de M. Jules Lemaître. — Reprise de Maître Guérin, comédie en cinq actes, en prose, de M. Emile Augier. — Mensonges, comédie en cinq actes, tirée du roman de M. Paul Bourget, par MM. Léopold Lacour et Pierre Decourcelle.

Il faut que l’on nous permette aujourd’hui de commencer par la fin, c’est-à-dire par Mensonges, la nouvelle comédie du Vaudeville, tirée par MM. Léopold Lacour et Pierre Decourcelle du roman de M. Paul Bourget, et d’en louer d’abord les dernières scènes du cinquième acte, comme étant des mieux faites, et des plus osées surtout que nous eussions vues depuis longtemps au théâtre. Car, combien y a-t-il de temps que M. Dumas écrivait, dans la préface de son Étrangère: «Au théâtre, pour le public, une femme ne peut avoir appartenu qu’à deux hommes, un mari qui s’est conduit d’une façon abominable, cela va sans dire, et un amant qui adore cette femme, qui l’adorera jusqu’à la fin de ses jours, qui a toutes les délicatesses, toutes les grandeurs, et qui est prêt à mourir pour elle, c’est bien entendu. » M. Dumas ne faisait d’exception que pour la courtisane. Mais l’héroïne de Mensonges, Mme de Moraines, n’est pas une courtisane, c’est une femme du monde, — on nous le dit au moins, — et même du meilleur. Pour les deux amans qu’on lui donne, et à la fois, si vous le voulez bien, il est possible que son poète, René Vincy, l’auteur du Sigisbée, soit prêt à mourir pour elle ; mais l’autre, le baron Desforges, sans y mettre aucune affectation de grandeur ou de délicatesse, ne lui demande que de l’aider à vivre agréablement. Enfin le mari, M. de Moraines, que l’on a failli nous montrer l’autre soir au Vaudeville, que nous n’avons heureusement pas vu, mais que nous connaissons assez par le roman, est très loin de s’être conduit d’une « façon abominable, » on pourrait même