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LA CORRESPONDANCE
DE
M. THOUVENEL ET DU DUC DE GRAMONT

Parmi les ministres des affaires étrangères du second empire, il en est deux qui ont rendu à leur souverain et à leur pays de signalés services. En 1867, le marquis de Moustier sut, par son sang-froid, sa prudence, son adresse, sauver la paix de l’Europe et notre honneur. Quelques années auparavant, M. Thouvenel avait conduit, avec un art consommé, l’affaire délicate de la cession du comté de Nice et de la Savoie à la France, il avait fait ratifier par une Europe hostile un traité qui excitait les âpres jalousies de l’Angleterre : « Je suis bien aise, lui écrivait l’empereur, de pouvoir vous remercier du résultat important obtenu et d’en reporter tout le mérite à votre habileté. »

Ce fut le 4 janvier 1860 que Napoléon III confia le portefeuille des relations étrangères à M. Thouvenel, âgé alors de quarante-deux ans, et qui venait de montrer dans l’ambassade de Constantinople tout ce qu’il valait. À cette époque, le duc de Gramont, après avoir été ministre plénipotentiaire à Turin, était depuis plus de deux ans ambassadeur près le saint-siège. Tant que M. Thouvenel fut ministre, jusqu’au 18 octobre 1862, il ne se contenta pas d’échanger des dépêches avec le duc, ils entretenaient une correspondance privée. Ce sont ces lettres inédites et confidentielles que M. L. Thouvenel vient de publier, et les amateurs de littérature diplomatique ne peuvent manquer de lui en savoir gré[1]. Les deux correspondans étaient de bonnes plumes, ils disaient

  1. Le Secret de l’empereur, correspondance confidentielle et inédite échangée entre M. Thouvenel, le duc de Gramont et le général comte de Flahault (1860-1863), publiée par L. Thouvenel, 2 vol. in-8o, 1889; Calmann Lévy.