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temps le contact de l’eau à 50 ou 60 degrés. L’air humide est meilleur conducteur que l’air sec : il l’est d’autant plus qu’il est plus chargé de vapeur d’eau. Ainsi l’homme résiste aisément à un séjour de 10 minutes dans une étuve d’air sec à 90 ou 100 degrés, et ne résistera que difficilement à un séjour de même durée dans une étuve à air humide, de température inférieure : il succomberait rapidement si la température de celle-ci était de 90 ou 100 degrés. Ce qui est vrai pour les températures élevées l’est naturellement aussi pour les températures basses : l’air sec conduit moins bien que l’air humide, et celui-ci moins bien que l’eau. Aussi résiste-t-on, dans l’air, à des froids qui seraient rapidement et sûrement mortels si le milieu ambiant était liquide. Nous avons dit plus haut qu’en somme la résistance des organismes homéothermes aux températures élevées est faible. En effet, malgré la transpiration et l’exhalation de vapeur d’eau par les poumons, il est souvent impossible à l’équilibre de se maintenir, et l’animal s’échauffe. Sa température ne peut guère s’élever sans devenir mortelle. Il tolère une réfrigération de 15 ou 20 degrés, mais ne peut supporter une élévation de température interne de plus de 5 ou 6 degrés. L’homme ou le mammifère dont la température interne atteint 44 ou 46 degrés est sûrement perdu : les oiseaux tolèrent encore une élévation un peu supérieure. La mort survient après une période de vive excitation et de convulsions, dans un état comateux. La cause de ce dénoûment n’est pas encore élucidée avec toute la précision désirable : elle est d’ailleurs assez complexe, mais varie dans sa complexité même selon les conditions. Il y a des troubles dans la chimie des muscles dont une partie s’altère; il y en a dans le sang, qui est pauvre en oxygène, mais ne semble pas présenter des produits toxiques particuliers, comme l’ont prétendu quelques observateurs. Pour Claude Bernard, ce sont la rigidité thermique et les lésions musculaires qui priment tout : elles sont suffisantes d’ailleurs, car le résultat de ces lésions est l’arrêt de la respiration et de la circulation.

En résumé, grande tolérance des organismes hétérothermes pour la réfrigération, et, dans une certaine mesure pour l’échauffement, malgré l’action très nette des variations thermiques sur leur physiologie; moyenne tolérance des animaux homéothermes pour l’abaissement, et faible résistance à l’élévation de leur température interne, voilà ce qui résulte des faits précédens. L’abaissement de température est, pour ces derniers, moins dangereux que l’hyperthermie : il faut qu’il soit assez prononcé pour provoquer à coup sûr la mort, alors qu’une hyperthermie faible suffit à l’entraîner à bref délai.

Entre les deux catégories d’organismes dont il vient d’être parlé,