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la mort est inévitable : le système nerveux périt et entraîne avec lui le reste de l’organisme : le sang s’altère et devient impropre à ses fonctions.

En ce qui concerne l’action des grands froids sur l’homme, les chirurgiens de la grande armée nous ont laissé des observations précieuses. Tantôt le froid foudroie, et c’est le cas pour les sujets fatigués, surmenés, surtout quand c’est au froid de l’eau qu’ils sont exposés, car dans cette situation, la déperdition de chaleur est infiniment plus considérable. Larrey a vu, au passage de la Bérésina, des soldats tomber foudroyés en entrant à l’eau, et Virey et Desgenettes ont observé des cas analogues. D’après eux, la mort a pour cause une congestion cérébrale ; pour d’autres, il y aurait anémie du cerveau. Quand l’action du froid est plus lente, mais prolongée, les résultats sont autres. Il se produit un engourdissement général du corps, des sens, du cerveau, de l’intelligence, une torpeur graduelle, un sommeil invincible d’où nul ne revient. « Quiconque s’assied s’endort, et quiconque s’endort ne se réveille plus, » disait Solander. Ici la mort se produit par une lente paralysie du système nerveux, d’où asphyxie.

Les organismes à sang chaud présentent, en somme, une grande résistance au froid, en raison de leur thermogenèse très active qui leur permet de ne point se refroidir. Mais une fois leur résistance vaincue, ils succombent à des températures de beaucoup supérieures à celles où périssent les organismes hétéro thermes. Beaucoup de ces derniers peuvent s’abaisser jusqu’à 10 degrés, 5 degrés, ou degré sans périr : les premiers meurent une fois que leur température interne s’est abaissée au-dessous de 18 ou 20 degrés. A plus forte raison ceux-ci ne peuvent-ils résister à la congélation : partielle, elle tue la partie congelée, et parfois aussi l’organisme; générale, elle le fait invariablement périr.

Aux élévations de température leur résistance est faible. L’homme et quelques animaux peuvent bien, il est vrai, demeurer pendant quelques minutes dans des étuves à température très élevée, supérieure à 100 degrés et allant jusqu’à 120 ou 130 degrés (Tillet et Duhamel, Delaroche et Berger, etc.). Mais dans ces conditions la durée du séjour est toujours très courte, — si elle se prolongeait au-delà de 10 ou 15 minutes environ, l’expérience deviendrait fatale, — et la transpiration suffit à produire la déperdition de chaleur nécessaire pour contre-balancer l’augmentation de température que le milieu tend à faire subir à l’organisme. Il est encore un point à noter. L’air est un mauvais conducteur, et l’air chaud échauffe le corps incomparablement moins que ne le fait l’eau soumise à l’influence de la chaleur : l’eau, au contraire, est un excellent conducteur, si bien qu’il est impossible de supporter pendant quelque