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des végétaux et des graines aux grands froids et à la grande chaleur. Tels gèlent aisément, tels difficilement : cela dépend beaucoup de leur volume et de la proportion d’eau qu’ils renferment dans leurs tissus. Tels ne meurent point à la suite de la gelée, même si le dégel est rapide ; tels ne résistent que si le dégel est lent, graduel. Une condition intrinsèque fort importante, c’est l’état de vitalité. L’on sait que les spores des bactéries et les graines des plantes supportent des températures auxquelles ni les bactéries ni les plantes ne sauraient résister; c’est là un fait bien connu et qu’il suffit de signaler en passant.

Il peut sembler étrange qu’un organisme peu vivant soit plus résistant que d’autres à des causes de destruction. Mais il faut considérer que moins la vie est active, et moins elle est vulnérable, moins les agens extérieurs peuvent troubler des fonctions déjà réduites à leur minimum ou presque dormantes et engourdies. Le froid tue la plupart des organismes inférieurs en raison de la désorganisation que subissent les tissus sous l’influence de la gelée, et cette désorganisation est d’autant plus profonde que la proportion d’eau contenue dans les tissus est plus grande. Il y a cependant bien des êtres qui meurent avant la congélation, parmi les organismes hétérothermes. Les invertébrés et les plantes des climats chauds, ainsi que nombre de microbes, meurent alors que la température ne s’est pas encore abaissée jusqu’à 0 degré. Ici le mécanisme de la mort est différent : celle-ci se produit en vertu d’un ralentissement de toutes les fonctions. La chaleur extrême tue plantes et animaux hétérothermes à des degrés très différens, mais supérieurs à celui où elle tue les organismes homéothermes : ces derniers sont moins résistans. Les uns meurent desséchés, la chaleur les privant de l’eau nécessaire à leurs tissus et au fonctionnement de ceux-ci; chez d’autres, le protoplasma se coagule et est frappé de mort, c’est là la cause la plus générale. Il est à noter que la congélation n’est point invariablement mortelle, même pour des animaux déjà élevés en organisation. L’on sait depuis longtemps que dans les régions septentrionales de l’Amérique et de la Russie, des voyageurs ont vu transporter des poissons entièrement congelés, raides, cassans, lesquels, étant remis dans de l’eau à une température de 8 à 10 degrés, reprennent toute leur activité, alors même que la congélation a duré dix ou quinze jours. La science a d’abord refusé de prêter foi à ces récits, mais des expériences précises n’ont pas tardé à en faire reconnaître l’exactitude. Gaymard, en 1828 et 1829, a congelé des crapauds de la façon la plus complète, qui ont repris leur vie normale et leur activité dès qu’ils ont été dégelés. Il faut avoir soin de congeler et dégeler graduellement : c’est la principale précaution à prendre pour faire