russes. Beaucoup sont versés dans les lettres orientales. La plupart de leurs mosquées et de leurs écoles sont, comme dans tout l’Orient musulman, entretenues avec des biens vakoufs. Il y a, au Turkestan seul, quatre ou cinq mille mektabs ou écoles élémentaires musulmanes, sans compter quelques centaines de médressés ou écoles plus relevées. Les mollahs, selon l’habitude de l’Islam, sont à la fois prédicateurs et instituteurs ; ils font fonctions de juges ou d’arbitres, car les musulmans ont, en Europe même, conservé leur statut personnel, presque inséparable de leur religion. Le gouvernement n’a eu garde de se désintéresser de la direction d’un clergé investi d’une telle influence. Il a placé à sa tête un cheik-ul-islam ou moufti, résidant à Orenbourg. Il y a aussi, en Crimée, un moufti pour les Tatars de la Tauride. Les chiites du Caucase, qui sont près d’un million, ont, comme les sunnites, leur moufti désigné par le gouvernement. D’après la loi, ces hauts dignitaires doivent être choisis par les communautés musulmanes, dont le gouvernement n’a qu’à confirmer le choix ; mais, en fait, le moufti est, d’habitude, nommé par ukase. Ses fonctions sont surtout administratives et judiciaires ; il est le juge suprême pour les litiges civils ou religieux de ses coreligionnaires. Près de lui siège une sorte de synode islamique, dont les membres sont élus par les mollahs. On nomme, d’ordinaire, comme mouftis des musulmans élevés à l’européenne et ayant passé par le service russe. Le moufti actuel d’Orenbourg a servi dans la garde impériale.
En dehors du Caucase, où Schamyl et les Tcherkesses lui ont opposé une résistance acharnée, les musulmans de l’Asie russe se sont facilement résignés à la domination du tsar. À cela il y a plusieurs raisons. Les tribus les plus rebelles à la conquête chrétienne ont émigré en terre musulmane. Ainsi, à plusieurs reprises au Caucase et en Crimée, et récemment à Kars et à Batoum. Puis, le fanatisme ne semble pas avoir, dans cette partie de l’Asie, la même énergie ou le même empire qu’en Afrique. La mosquée n’y semble pas dominée par la zaouia, et les mollahs par les marabouts ou les confréries de khotians, comme en pays arabes. À Samarcande, à Boukhara même, ces citadelles de l’Islam, le vrai croyant a accepté la souveraineté ou la suzeraineté du tsar blanc. Chez lui, le fanatisme, là où il persiste, a du reste pour correctif le fatalisme. Le Sarte, l’Ouzbek, et jusqu’à l’ancien alamanntchik turkmène, ne sont pas insensibles aux bienfaits de la domination russe : elle a mis fin à l’anarchie sanglante de la steppe ; elle a apporté à ses oasis la paix, la sécurité, le bien-être. Le Russe est un maître qui se fait aisément comprendre des Orientaux, peut-être parce que, entre eux et lui, la nature, le tempérament national, les mœurs,