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M. Lascar Catargi qui est le chef des vieux conservateurs, le président de la chambre. Il est certain qu’avec M. Catargi, c’est une toute autre politique qui triomphe, C’est le parti de l’alliance conservatrice et libérale, arrivant au pouvoir avec ses idées sur les affaires intérieures, avec l’intention arrêtée de n’engager la Roumanie ni avec la triple alliance, ni avec la Russie, de maintenir l’indépendance roumaine, et c’est là précisément ce que le nouveau ministère a de plus significatif dans le mouvement qui agite tous ces pays des Balkans et du Danube.

Les états aux mœurs paisibles, aux institutions fixes et aux traditions fortes ont cela d’heureux que tout s’y passe sans trouble, que les transitions les plus délicates, les plus épineuses peuvent s’accomplir sans susciter de dangereuses agitations. La Hollande se trouve depuis quelque temps déjà dans une situation assurément difficile et rare, entre un roi qui, sans être mort, est hors d’état de régner, et une régence qui, sans être la vraie régence prévue pour une minorité, et cependant devenue nécessaire. Ce n’est même pas tout. L’état du roi soulève une question qui n’est pas moins grave, celle d’une séparation anticipée entre la Hollande et le grand-duché du Luxembourg rattachée depuis 1815 à la couronne des Pays-Bas. C’est là toute la crise, qui vient d’ailleurs de se dénouer pacifiquement, régulièrement à La Haye par l’accord de tous les pouvoirs publics. Le roi Guillaume, celui que le président des états-généraux appelait récemment « le dernier prince de la maison-mère d’Orange, » est-il destiné à vivre encore quelque temps, à traîner à travers des crises incessantes une existence épuisée ? Toujours est-il que, depuis près d’un an, il est étranger aux affaires, il ne peut plus remplir les devoirs de la royauté. Depuis quelques mois, il y a eu à peine un jour où, d’une main défaillante, il a pu signer quelques arrêtés. La royauté, sans être vacante, restait en suspens. Dès lors, le ministère a tenu à dégager sa responsabilité en proposant d’abord au conseil d’état des mesures devenues inévitables, et, d’accord avec le conseil d’état, il a provoqué une assemblée plénière des états-généraux. La réunion a eu lieu effectivement, et les Etats-généraux ont décidé que le moment d’aviser était venu, que le conseil d’état devait rester provisoirement le dépositaire des prérogatives de la couronne en attendant le choix d’un régent qui doit être désigné dans le délai d’un mois. S’il y avait une minorité réellement ouverte par la mort du roi, il n’y aurait aucune difficulté ; tout a été prévu, c’est la reine-mère qui est la régente désignée et reconnue pendant la minorité de la jeune héritière du trône. Il n’y aurait encore aucune difficulté si la future régente de droit consentait dès ce moment à être une régente provisoire pour la circonstance ; mais la reine Emma paraît répugner à cette prise de possession anticipée et vouloir se vouer tout entière au soin du malheureux souverain qui s’éteint lentement au château de Loo. Si la reine Emma refusait