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signataires de ces vœux, je trouve le fils d’un des membres du conseil supérieur de l’armée vendéenne.

Le nom de Vendée, avec les idées qu’il éveillait, semblait importun à cette bourgeoisie libérale. On le considérait comme synonyme d’arriéré, presque de sauvage. On forçait la note, pour bien faire entendre qu’on ne le portait que comme une pure appellation géographique, n’impliquant aucune solidarité avec ceux que l’histoire et l’usage nommaient les « Vendéens. » Les jeunes gens que leurs études appelaient à Paris rougissaient de ce nom et le répudiaient comme une injure, quand on affectait de lui donner une signification politique ou religieuse.

Ces sentimens se sont bien modifiés à partir de 1848. On sait comment, à cette époque, la peur du socialisme ramena dans toute la France la bourgeoisie libérale aux idées ultra-conservatrices. En Vendée, elle rapprocha les bleus des blancs. Non pas qu’il y eût beaucoup de conversions au pur royalisme. Elles ont attendu, lorsqu’elles se sont faites, plus de trente ans et l’assurance de n’avoir plus à craindre une royauté de drapeau blanc. Dans l’intervalle, la bourgeoisie, comme les paysans, s’était ralliée presque tout entière à l’empire. Le rapprochement entre les bleus et les blancs se fit surtout sur le terrain religieux. On revint peu à peu aux pratiques. On cultiva des relations avec le clergé. Loin de demander la suppression des congrégations, on leur confia ses enfans. On cessa dès lors de rougir du nom de Vendéen. Il était glorifié dans les livres donnés en prix aux enfans, avant de l’être dans l’instruction elle-même, lorsqu’elle s’ouvrit à l’histoire contemporaine. Il l’avait toujours été dans la prédication religieuse. Il rencontrait enfin au dehors, pour les mêmes causes, dans les milieux bourgeois, beaucoup plus de sympathie. Les femmes surtout s’en firent un titre d’honneur, alors même que, dans leurs familles, il éveillait encore chez l’autre sexe les anciennes préventions. Il était cher à leurs sentimens religieux ; il ne l’était pas moins à leur vanité. Elles en étaient doublement fières, d’abord parce qu’il avait comme un parfum d’aristocratie, puis parce qu’il faisait figure dans l’histoire. Avec le nom, elles étaient toutes prêtes à se parer des opinions qu’il représentait. Une jeune fille de quinze ans, de famille très bourgeoise et sans parti-pris politique, avec laquelle je visitais un ancien château Vendéen, écrivait fièrement en bas de son nom, sur le registre des voyageurs : Vendéenne de naissance et d’opinion. Ce sont des puérilités, mais elles n’ont pas été sans action sur l’éducation des garçons eux-mêmes, dont les pères, plus indifférens, alors même qu’ils restaient libéraux, se sont peu à peu désintéressés pour en laisser la direction aux mères. Ainsi, dans toute la Vendée jusque dans