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assez facilement à la particule usurpée et même à de purs bourgeois, s’ils font profession de bons principes politiques et religieux. Elle est royaliste et catholique par devoir de naissance, plus royaliste même et plus catholique qu’elle n’était, soit à la veille, soit au lendemain de la guerre civile ; car plus d’un, parmi ses membres, n’avait pas échappé à la contagion des idées voltairiennes et révolutionnaires, et plus d’un aussi, après la soumission de la Vendée, avait subi sans résistance les faveurs du premier consul et de l’empereur. Elle représente aujourd’hui et elle garde fidèlement tous les sentimens qui, dans l’opinion courante, s’attachent au nom de Vendée. La bourgeoisie a été et est toujours plus divisée. Elle avait embrassé, en très grande majorité, la cause de la révolution, et très peu la répudièrent, même aux plus mauvais jours. Les excès criminels furent rares, d’ailleurs, de la part des patriotes vendéens, et ils rencontrèrent, chez les plus éprouvés, une courageuse résistance. C’est ainsi qu’à Fontenay, après le départ de l’armée Vendéenne, un prêtre constitutionnel, devenu successivement grand-vicaire de l’évêché et secrétaire-général de la préfecture, Cavoleau, l’auteur de la Statistique de la Vendée[1] s’opposa énergiquement au massacre des prisonniers, et fut assez heureux pour l’empêcher. Le zèle républicain en Vendée se tint généralement plus près de la gironde que de la montagne[2] ;

Il y eut aussi, en plus petit nombre, des bourgeois parmi les blancs. Les uns avaient perdu à la révolution des charges lucratives, dont quelques-unes, après trois ou quatre générations, conféraient la noblesse. D’autres, médecins, avocats, procureurs, hommes de finance ou de commerce, avaient une clientèle aristocratique et en avaient épousé les sentimens. Plusieurs obéissaient à une antipathie désintéressée et réfléchie pour la révolution. Tel est ce docteur Brunet de Baupréau, dont M. Port a fait revivre la noble figure. Parent et parrain de La Réveillère-Lépeaux, il avait vécu avec lui dans une étroite intimité, jusqu’au moment où la politique les sépara. Dans une dernière entrevue, qui rappelle certaines scènes de Plutarque, ils firent de vains efforts pour se comprendre et pour se rapprocher. Brunet fut au premier rang, dans les Mauges, parmi les adversaires de la révolution, sans toutefois prendre

  1. L’œuvre est digne de l’homme. Nous nous en sommes beaucoup servi dans tout le cours de cette étude.
  2. Il faut lire, dans M. Célestin Port, les rapports du Directoire de Maine-et-Loire à la Convention. Les mesures les plus énergiques y sont réclamées contre les ennemis de la révolution ; mais, en même temps, on ne craint pas de flétrir, dans les termes les plus forts, non-seulement Marat, mais Robespierre et Danton, au temps de leur plus grande puissance. — Voir aussi, dans M. Wallon, les protestations de la municipalité républicaine de Fontenay et des plus ardens patriotes, contre les excès commis par les colonnes infernales.