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Bressuire, en 1878. Nous ne parlons pas des arrondissemens qui appartiennent en partie à la plaine et au marais méridional. Enfin, tout récemment, dans le marais occidental, aux portes mêmes du château où réside le plus fougueux des députés royalistes de la Vendée, des élections municipales se sont faites au profit des républicains.

Il faut tenir compte, en effet, des indifférens et des neutres, toujours nombreux, même dans les temps de crises politiques ou religieuses. Il y en avait beaucoup pendant la guerre civile. Les uns s’enfuirent avec les patriotes. D’autres se laissèrent entraîner par les insurgés. Plus d’un changea plusieurs fois de camp et de drapeau, et ne réussit le plus souvent qu’à s’attirer double persécution. Les neutres, de nos jours, ne courent pas les mêmes dangers. Ils ne s’exposent qu’aux outrages des deux partis, et ces outrages sont souvent injustes, car la neutralité peut être l’effet d’une sage et patriotique impartialité. Désintéressées ou non, leurs évolutions, en Vendée comme ailleurs, ont joué, à toutes les époques, un rôle décisif dans la formation des majorités et dans la direction de l’esprit public.

Les majorités peuvent se déplacer ; l’esprit public peut manifester des tendances diverses ; mais la Vendée, prise dans son ensemble et dans toute la suite de son existence provinciale depuis le commencement du siècle, garde le pli qu’elle a reçu de la guerre civile. On y est blanc ou bleu, dans le sens religieux beaucoup plus que dans le sens politique des termes. On y est pour ou contre l’influence du curé. Les neutres ne font que réagir tour à tour, soit contre l’exagération de cette influence, soit contre les excès de ses adversaires. Dès qu’elle est menacée dans ce qu’elle a de légitime, ils passent du côté des blancs. On se trompe donc quand on évoque, à propos de la Vendée, les souvenirs politiques de l’ancien régime. L’ancien régime monarchique et aristocratique n’y a laissé de regrets que dans un très petit nombre de familles. Tous les gouvernemens s’y sont fait accepter, la république comme les autres, quand ils ont respecté la paix religieuse. Ils n’ont rencontré de résistance que lorsqu’ils ont donné au clergé et aux fidèles de justes griefs.


IV

Nous avons jusqu’ici, dans cette étude, considéré surtout les masses rurales. Il faut cependant s’élever plus haut pour bien comprendre l’esprit public dans une province comme dans un état. Nous ne dirons rien de la noblesse, qui, là comme ailleurs, plus qu’ailleurs peut-être, sans posséder de grands noms et de très grandes situations, forme une société à part, s’ouvrant toutefois