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allait recevoir le nom de Haute-Vendée. Ce fut la capitale des Bleus, comme Châtillon fut celle des Blancs. Dès les premiers mouvemens qui préludèrent à l’insurrection, Cholet s’emparait de ce rôle. Ses gardes nationaux pénétraient dans le : département de la Vendée, à Saint-Laurent-sur-Sèvre, pour arrêter des religieux. Les autorités légales protestent ; mais bientôt, par la force des choses, les autorités légales elles-mêmes, dans les départemens voisins, ne pouvant plus compter sur l’administration supérieure de ces départemens, s’adressent directement à Cholet pour obtenir des secours. L’unité de la Haute-Vendée se constitue ainsi spontanément, pour les adversaires comme pour les partisans de l’insurrection.

C’est surtout un liens religieux qui assura l’union des différentes parties de la Haute-Vendée. Il ne faut pas chercher ce lien, du côté de la Bretagne. A peine deux ou trois paroisses du diocèse de Nantes avaient été rattachées au département de la Vendée et un même nombre du diocèse de Luçon au département de la Loire-Inférieure. Il en était tout autrement du côté de l’Anjou, entre les départemens de la Vendée, des Deux-Sèvres et de Maine-et-Loire, c’est-à-dire dans la plus grande partie de la Haute-Vendée. Le pays des Mauges, bien qu’angevin dans l’ordre administratif et politique, dépendait presque tout entier du diocèse de La Rochelle, comme tout le centre du Poitou, qui allait se partager entre les départemens de la Vendée et des Deux-Sèvres. Trois doyennés de ce diocèse : Saint-Laurent-sur-Sèvre et Bressuire en Poitou, Vihiers en Anjou, embrassaient presque tout le territoire qui devait, dès le principe, se donner à l’insurrection. Le lien était faible entre eux et le siège lointain de revécue ; mais, depuis un siècle, le premier de ces doyennés était devenu, pour toute la contrée, un centre religieux d’une grande importance. Un émule de Saint-Vincent de Paul, le père Grignon de Montfort, dont la béatification a été célébrée solennellement l’an dernier dans tout l’Ouest, avait fondé à Saint-Laurent-sur-Sèvre deux communautés religieuses, l’une de femmes, l’autre d’hommes, la première vouée aux œuvres de charité et d’enseignement, la seconde à la prédication et à la propagande religieuse : les Filles de la Sagesse et les Missionnaires du Saint-Esprit. Ces derniers, plus connus au siècle passé sous le nom de Mailotins, du nom d’un de leurs premiers pères, furent, dans la région, l’âme de la résistance à la constitution civile du clergé, c’est-à-dire la principale force morale qui suscita et dirigea la force matérielle.


III

La Basse et la Haute-Vendée se sont constituées séparément ; elles ont lutté à part, mais pour une cause commune, qui les rapprochait