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un accord unanime. M. Célestin Port s’est appliqué à détruire cette légende, qui a trouvé crédit parmi tous les historiens. Il montre, par des documens irréfutables, que le mouvement était préparé de longue date par les menées des ennemis de toute sorte que la révolution s’était faits ; que des chefs lui étaient déjà acquis sur divers points, parmi lesquels Cathelineau n’a fait que prendre une place d’abord très secondaire. M. Port ne va-t-il pas toutefois trop loin dans sa réaction contre la légende ? Il cite les témoignages des premiers insurgés qui ont été arrêtés et traduits devant les tribunaux révolutionnaires, ainsi que ceux des premières victimes de l’insurrection qui ont pu s’échapper. Très peu, parmi les uns et les autres, connaissent Cathelineau comme un des chefs. Rien à cela de surprenant. L’organisation de l’armée insurrectionnelle est encore très rudimentaire. Chacun n’y connaît que les chefs de chez lui ou de son voisinage immédiat. Le nom d’un paysan d’une petite commune ne peut être connu que d’un petit nombre dans un rayon très étroit. La liste des chefs varie suivant l’origine des dépositions. Plusieurs noms sont estropiés, et Cathelineau n’est guère cité que par son frère. Un des documens produits par M. Port prouve cependant que le voiturier avait déjà un rôle de quelque importance. C’est une proclamation rédigée et signée par d’Elbée. Elle porte, avant le nom du gentilhomme, le nom du paysan, et aucun autre chef ne l’a signée. Cathelineau a-t-il mis de lui-même son nom avant celui de d’Elbée ou bien y a-t-il été invité par celui-ci ? Dans l’une et l’autre hypothèses, il prend ou reçoit un des premiers rangs.

Un point reste acquis dans la démonstration de M. Célestin Port, c’est que tout n’a pas été absolument spontané dans l’insurrection de la Haute-Vendée. Quelque part qu’il faille y faire à l’enthousiasme d’un paysan, des chefs plus éclairés, plus consciens du but à poursuivre, non-seulement l’ont provoquée, mais en ont combiné et ramené à l’unité les élémens épars. Ils ont fait à la fois l’unité de l’insurrection et celle du pays qui en a été le théâtre. La Haute-Vendée, non plus que la Basse-Vendée, n’est pas sortie toutefois de la seule action de quelques hommes, à la fin du XVIIIe siècle. Les âges antérieurs ont eu aussi leur part dans sa formation.

La Haute-Vendée comprend le nord-est du département de la Vendée, le sud-est du département de la Loire-Inférieure, le nord du département des Deux-Sèvres et le sud du département de Maine-et-Loire. Elle réunit ainsi des fractions des trois provinces de Poitou, de Bretagne et d’Anjou ; mais ici, comme pour la Basse-Vendée, toute la contrée avait primitivement appartenu au pays des Pictons.

Dans cette contrée, nous rencontrons d’abord un ancien pays