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La portion du Poitou qui a formé le département de la Vendée se partageait, au point de vue religieux, en deux diocèses, dont l’un lui était commun avec une partie de Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Charente-Inférieure, et avait son siège dans ce dernier département, à La Rochelle. Il forme aujourd’hui et il forme seul un diocèse unique, celui de Luçon. Il a donc pu avoir, depuis un siècle, dans l’ordre religieux comme dans l’ordre administratif, sa vie propre, et elle n’a pu que lui communiquer un commencement d’unité morale. Il a ressenti enfin dans toutes ses parties, l’influence du nom de Vendée et des idées que ce nom évoque, et il s’est établi insensiblement une certaine solidarité entre les populations où ces idées n’ont pas cessé de dominer et celles qui leur avaient toujours été rebelles.

Toutefois, l’unité est encore bien incomplète, et elle semble toujours factice. Les vrais centres d’attraction, pour la plus grande partie du département, ne sont ni le chef-lieu administratif ni le chef-lieu religieux ; c’est Nantes et Cholet au nord, La Rochelle et Niort au sud et à l’est. Enfin, l’unité de l’esprit vendéen n’est guère qu’à la surface. Elle s’est étendue de la noblesse et du clergé à une partie de la bourgeoisie ; mais la population, prise en masse, se partage toujours à peu près également en blancs et en bleus.

Si tel est l’état actuel du département, qu’on se figure ce qu’il devait être en 1790, quand ses six districts n’avaient de communications faciles ni avec le chef-lieu, ni entre eux, ni avec les communes arbitrairement réparties entre chacun d’eux. L’abus du principe électif s’ajoutait encore à la dispersion de l’autorité pour rendre impraticable toute action commune. Nulle part l’anarchie spontanée, si bien décrite par M. Taine, n’a trouvé de facilités plus grandes. Elle fut pour beaucoup dans les guerres de la Vendée et dans la création de la province idéale qu’elles ont suscitée et qui leur a survécu.

Des causes semblables concouraient aux mêmes effets dans les portions des départemens limitrophes qui devaient former, avec le département de la Vendée, la province de Vendée. Les Deux-Sèvres se partagent aussi en bocage, plaine et marais. Toute la différence est que la plaine et le marais y sont de moindre étendue. Le bocage y a tous les caractères du bocage vendéen : peu de forêts ou de bois agglomérés ; mais partout, le long des haies, des fossés et des chemins qui bordent les terres labourables et les prairies, de gros arbres très rapprochés, d’autant plus propres à la guerre de partisans et aux embuscades que les bonnes routes manquaient et qu’il n’y avait guère que des chemins étroits, encaissés, tortueux, mal entretenus. Ajoutez-y, sur un grand nombre de petits cours d’eau, de mauvais ponts faciles à détruire.