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passionné même dans son esprit général et dans la majeure partie de ses développemens, rectifiera plus d’une erreur généralement répandue. Il eût cependant plus sûrement atteint son but, si l’auteur n’eût fait qu’opposer à la partialité des écrivains royalistes et de leurs copistes la froide impartialité du dépôt public où il en a puisé les matériaux. On y sent trop la séduction d’une thèse et la volonté préconçue de l’établir. On est porté à se défier d’un récit qui, dès le début, prend le ton d’une démonstration, et, qui pis est, d’une démonstration oratoire. La défiance, je me hâte de le dire, ne serait fondée que dans une très faible mesure. La solide érudition de l’auteur et la justesse de son esprit le sauvent presque partout des entraînemens du parti-pris. Il a fait véritablement œuvre d’historien, sur un point très particulier et très restreint ; mais les souvenirs qui s’attachent à la contrée de quelques lieues carrées et aux deux ou trois années dans lesquelles il s’est renfermé sont assez grands pour faire de son œuvre une contribution importante à l’histoire générale de la révolution.

Le titre même de l’ouvrage indique un autre genre d’intérêt, plus général et d’ordre proprement philosophique. Ce titre, — la Vendée angevine, — se rapporte, non au département de la Vendée, lequel appartient tout entier à l’ancien Poitou, mais à une fraction de la province qui semble s’être constituée d’elle-même, sous le même nom, à la fin du dernier siècle, sur le territoire de quatre départemens : la Vendée, les Deux-Sèvres, Maine-et-Loire et Loire-Inférieure. On peut, en effet, dans l’histoire des guerres de la Vendée, faire la part d’une Vendée angevine, comme d’une Vendée poitevine et d’une Vendée bretonne. Chacune de ces divisions garde sa physionomie propre dans l’effort commun, et, après la lutte, après la pacification, les différences n’ont pu que s’accentuer entre elles. Elles se rattachaient dans le passé à des centres provinciaux distincts : elles ne comptent plus, dans le présent, que comme des collections de communes ou de paroisses dans quatre départemens, dans trois ressorts de cours d’appel et dans trois diocèses. La géographie ne connaît le nom de Vendée que comme celui d’un département et d’une petite rivière. Cependant il y a toujours, pour le langage courant, pour l’opinion courante, une province de Vendée, telle que l’avait formée la guerre civile. Elle reste la Vendée pour ses habitans, pour ses voisins, pour toute la France. Le Breton ou l’Angevin qui passe de la rive droite sur la rive gauche de la Loire dit qu’il va en Vendée, quoiqu’il ne sorte pas du département de la Loire-Inférieure ou de celui de Maine-et-Loire. L’arrondissement de Bressuire, dans les Deux-Sèvres, est en Vendée, pour les habitans mêmes des autres parties du même département. Dans le reste de la France, le nom de Vendée éveille des idées assez