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circulaire de collines moins élevées. C’est le mont Girnar, un lieu consacré depuis des siècles par la piété des Jaïnas[1] ; sur les cinq crêtes qui s’étagent au sommet, leur zèle religieux a entassé, au prix: d’un labeur surprenant, des temples qui restent le but d’incessans pèlerinages. La ligne de circonvallation des collines n’est guère percée qu’en un endroit par où la rivière qui sort de la montagne s’est frayé un chemin. Sur le bord de la route qui, par ce passage, mène de la ville voisine de Jounagar à la montagne sainte, est accroupi un bloc rocheux dont la itice principale, assez soigneusement dressée, est couverte de caractères parfaitement semblables à ceux d’Allahabad et de Dehli. Une copie en parvenait à Prinsep en 1837, à l’heure même où il venait d’achever la découverte qui en mettait la clé entre ses mains. Dans le même temps, une autre série était révélée à l’autre bout de l’Inde, à Dhauli, sur la côte de l’Orissa. Prinsep eut encore le temps d’étudier ces trouvailles; il déchiffra les textes, en publia une interprétation. Ce fut son dernier triomphe. Sa santé était profondément atteinte; quelques mois plus tard, il repartait pour l’Angleterre, où il mourait l’année suivante, à peine âgé de quarante ans, après une longue agonie, rançon d’un labeur sans mesure.

II avait eu, avant salin, quelque connaissance, mais générale et vague, d’une dernière série d’inscriptions dont l’exploration devait clore, mais clore après lui, la première période de ces études. Ici encore il fut l’initiateur. Dès 1836, Court, un de ces Français qu’avait attirés le service de Rundjet-Singh, le roi sikh, avait révélé l’existence d’une inscription gravée sur deux faces d’un bloc de rocher, tout près du village de Shahbaz-Garhi, sur la frontière du pays afghan, entre Peshawar et l’Indus. Mais c’est en 1838 seulement que furent relevés les premiers fac-simile, au moment où Prinsep s’éloignait définitivement de l’Asie. Sa première grande découverte, en 1835, avait porté sur les monnaies bilingues des rois grecs et indo-scythes du Caboul et sur le déchiffrement de leurs légendes indiennes. Elles étaient gravées dans un alphabet tout différent de celui des médailles d’Agathoclès et de Pantaléon, que je rappelais tout à l’heure. Il avait établi la valeur exacte d’un bon nombre de lettres. Il se trouva que les inscriptions nouvelles étaient, sauf des modifications secondaires, écrites dans les mêmes caractères. Ses travaux servirent de point de départ à MM. Norris et Dowson, quand, en 1845, ils s’attaquèrent aux fac-simile transmis par M. Masson à la Société asiatique de Londres. Leur tâche

  1. Secte qui, par ses croyances, est assez analogue au bouddhisme dont elle paraît à peu près contemporaine par ses origines. Plus heureuse que le bouddhisme, elle conserve aujourd’hui encore dans l’Inde d’assez nombreux adhérens.