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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La seconde quinzaine de mars a vu s’accomplir la chute définitive du Comptoir d’escompte et du syndicat du cuivre. Les ruines jonchent le sol de la Bourse. D’abord le Comptoir d’escompte, dont les 160,000 actions valaient 1,050 francs il y a six semaines et représentaient entre les mains de leurs détenteurs un capital négociable de plus de 160 millions. Puis la Société des métaux avec ses 50 millions de capital, ses 20 millions de réserve et ses 15 millions d’obligations, la Compagnie auxiliaire des métaux avec son capital de 40 millions de francs. Il faut y ajouter 70 francs de baisse sur les 341,000 actions du Crédit Foncier, 200 francs de baisse sur les 125.000 de la Banque de Paris, 50 francs de baisse sur les 400,000 du Crédit Lyonnais, 40 francs de baisse sur les 130,000 de la Banque d’escompte. 40 francs de baisse sur les 240,000 de la Société générale, près de 300 francs de baisse sur les 325,000 du Eio-Tinto.

Il faudrait encore tenir compte des dépréciations considérables subies par les titres d’un grand nombre de sociétés dont les intérêts ont été plus ou moins directement affectés par la débâcle du Comptoir d’escompte, Crédit foncier colonial, Banque maritime, Établissemens Cail, Canal de Corinthe, etc.

On ne saurait essayer de chiffrer de telles pertes. Le total est effrayant, surtout si l’on songe que celle série de désastres a succédé de si près au naufrage lamentable de l’entreprise de Panama où 1.400 millions de l’épargne française ont été engloutis. Il y aurait en outre à calculer les effets de la répercussion de tant de sinistres dans les départemens, à relever les catastrophes locales comme celles du Mans. La liste une fois close, en dehors des faillites obscures et sans nombre qu’entraînera dans le monde commercial la chute du Comptoir, on se demanderait comment un marché financier peut supporter des coups d’une telle violence.

Or, si nous consultons la cote à quinze jours d’intervalle, nous voyons les rentes françaises en hausse, les fonds internationaux revenus à leurs plus hauts cours, quelques-uns même à un niveau qu’ils n’avaient pas encore atteint, les obligations de nos grandes Compagnies de chemins de fer portées de 405 à 415, les actions de ces Compagnies plus que jamais recherchées, et bon nombre d’autres valeurs aussi haut cotées qu’au milieu ou au commencement du mois.