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dernière exposition de 1878 s’était faite fort librement, qu’une partie des dépenses de la caisse des écoles qui s’élèvent à plus de 500 millions restait sans justification, qu’il y avait bien d’autres irrégularités incessamment et inutilement signalées par la cour des comptes. — Il en est ainsi de tout. Les républicains voient aujourd’hui se relever contre eux leurs œuvres, leurs fautes, leurs abus, tout ce qui accuse leur domination, et si les irritations qu’ils ont créées, les désillusions qu’ils ont provoquées, sont venues se résumer dans un homme à la popularité équivoque et menaçante, c’est qu’ils l’ont bien voulu. Leur exaspération d’aujourd’hui n’absout pas leur imprévoyance d’hier.

Les républicains, sans doute, en sont venus à sentir le danger de ce mouvement, qui est en partie leur ouvrage, qui a commencé avec leur complicité et s’est étendu par les griefs qu’ils ont donnés au pays. Ils s’efforcent maintenant de le combattre par tous les moyens, et d’abord par des procès, de l’atteindre dans son organisation, dans ses chefs, dans ses propagandes ; c’est leur préoccupation, leur obsession ! Ils ont déjà obtenu une partie de ce qu’ils demandaient, l’autorisation de poursuivre quelques-uns des députés, chefs de cette assourdissante et irritante ligue des patriotes, devenue l’armée suspecte de M. le général Boulanger. C’est fait ! On dit aujourd’hui qu’on ne s’en tiendra pas là, qu’on entend se servir sans plus de retard d’une loi qui règle les attributions judiciaires du sénat et qui est votée en ce moment même au Luxembourg, qu’on médite de mettre en cause le chef comme les lieutenans. Les plus impatiens pressent le gouvernement de frapper haut et fort. Il paraît qu’il faut s’attendre à tout ! Rien de plus simple que de se défendre si on a saisi la sédition, si on peut la montrer à la raison du pays. L’erreur n’est pas de combattre, même par des procès, une ambition qui, en abusant la France, l’entraînerait fatalement dans de redoutables aventures ; l’illusion serait de croire qu’on peut combattre efficacement cette ambition avec des moyens sommaires et des légalités douteuses, avec l’arrière-pensée de continuer la politique qui a si bien réussi, avec des scènes de confusion comme celles qui se succèdent depuis quelques jours au Palais-Bourbon. Ce qu’il y aurait de tout aussi décevant serait de se figurer qu’on peut avoir raison d’un égarement d’opinion par quelque diversion de circonstance, en opposant à une fortune de hasard une autre fortune improvisée, aux discours que M. le général Boulanger peut prononcer à Tours ou ailleurs les discours d’un nouveau-venu dans la politique.

Il ne manquait plus que cela ! Il n’y avait pas assez d’un Boulanger, on veut en créer un autre. On lui ménage des réceptions et des ovations à son arrivée au chemin de fer, dans les banquets organisés pour lui à Paris. On va maintenant, à ce qu’il semble, le promener en