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répartie et la terre partout mise en valeur, nourrir le double du chiffre énorme d’habitans qu’elle contient aujourd’hui.

Les statistiques parvenues au ministère des finances chinois pour l’année 1885 accusent un chiffre de 319.383.500 habitans pour 15 provinces ; les cinq autres au recensement précédent représentaient 63.046,072 habitans, ce qui fait un total de 392 millions, non compris les pays vassaux, Thibet, Kashgarie, Hikuldja, Corée. Ces chiffres, fournis pour les besoins du service de l’impôt personnel, sont forcément au-dessous de la vérité. Le recensement de 1760 avait donné un total de 197 millions, celui de 1821 355 millions d’habitans.

Le docteur Wells Williams[1] calcule qu’en adoptant le chiffre de 362 millions pour les 18 provinces de la Chine propre, représentant 1.300.000 milles carrés, on obtiendrait une proportion de 268 personnes par mille carré : or la moyenne correspondante était aux derniers recensemens de 289 en Angleterre. 249 en Italie, 213 en Allemagne et an Jupon, 440 au Bengale. Mais les 9 provinces orientales de la Chine, qui forment les deux cinquièmes de la superficie totale et renferment les terres les plus fertiles de l’empire, portent 458 personnes par mille carré, tandis que la proportion correspondante dans les autres provinces, représentant les trois cinquièmes de la superficie totale, n’est que de 154[2]. Le même auteur évalue à 650 millions d’acres l’étendue des terres cultivées en Chine, ce qui fait 1 4/5 acres par habitant ; en France, la proportion correspondante est de 1 2/3. Or, si l’on songe aux méthodes de culture employées, si minutieuses que rien n’est perdu, si l’on songe que tout le sol cultivé produit de la nourriture pour l’homme, qu’il n’y a pas de prairies, qu’on ne fait pas de fourrage ; qu’il y a souvent trois récoltes par an dans les régions favorisées du nord-ouest ; que, grâce à la perfection où les Chinois ont porté la pisciculture, les rivières et les viviers fournissent du poisson en quantité prodigieuse, — on se convaincra que la Chine produit grandement assez pour nourrir ses habitans.

Sans doute il y a eu des famines terribles, des catastrophes qui ont chassé d’une province des millions d’habitans, les rejetant au-delà des mers ou les forçant à émigrer à l’intérieur : mais c’étaient des causes passagères, aucune d’elles n’a persisté ; et il y a tout lieu de croire qu’elles deviendront moins fréquentes et moins funestes. De 1842 à 1882, de singulières fluctuations se sont produites : on constate dans la province métropolitaine de Petchili une

  1. The Middle Kingdom.
  2. En 1882, la province de Huan, où la population était le plus dense, comptait 822 habitans par mille carré ; venait ensuite Shantung avec 557 ; au bas de l’échelle, Kwang-si avec 65, et Kiui-su avec 62 habitans par mille carré.