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être très avantageuse. Leur sobriété, leur activité, seront des facteurs puissans pour développer les ressources du pays… A Pékin, ces paroles ne peuvent manquer d’augmenter l’estime des Chinois pour nous[1]. »

A Bornéo, la même nécessité se fait sentir. Sir Spencer Saint-John, consul-général, dans un rapport adressé à son gouvernement disait : » Il est très facile de mettre en exploitation le nord de l’île de Bornéo et d’en tirer de bons profits. Il faut se servir des Chinois : c’est le seul peuple qui puisse aider une nation européenne à coloniser l’île[2]. »

A Hong-kong, sur une population totale de 160,402 habitans en 1881, 7,990 seulement étaient blancs ; il y avait 130,168 Chinois. Hong-kong atteignait 200,990 âmes en 1886 ; il est à présumer que l’énorme proportion de Chinois n’a pas diminué. Or ce sont les Chinois qui détiennent à Hong-kong presque tout le commerce du riz dont cette ville est le principal entrepôt dans les mers de Chine, et ce sont eux qui font les armemens et les approvisionnemens des navires[3].


IV

Le 1er janvier 1887, quelques mois après avoir quitté l’Europe, où il s’était mis fort au courant des dessous de cartes dans le jeu des forces occidentales, où il avait pris des leçons à bonne école et s’était mêlé brillamment à la partie en jouant atout à plusieurs reprises, le marquis Tseng lançait dans une Revue anglaise[4] un article concis, fortement pensé, vigoureusement écrit et qui lit du bruit dans le monde : il reconnaissait que la Chine avait dormi trop longtemps, mais il annonçait que l’heure du réveil était venue, et lui-même sonnait la diane. — La Chine jusqu’alors s’était désintéressée de ce qui se passait au dehors ; elle avait signé des traités le couteau sur la gorge, sans trop savoir à quoi elle s’engageait : le nombre de ses sujets fixés à l’étranger augmentant sans cesse, les intérêts extérieurs de l’Empire croissant de même, la Chine allait se mettre à avoir une politique étrangère : « Sa

  1. Millot, loc. cit. — Je suppose qu’on se demandera plutôt à Pékin ce qu’il faut penser des chinoiseries de la politique britannique. Il est même à présumer qu’avant d’engager plus à fond les négociations désirées, le marquis Tseng proposera à sir John Walsham de résoudre au préalable ce petit problème académique : sous quelle latitude le Chinois est-il un animal sympathique ? sous quelle latitude est-il un être immoral, malodorant ?
  2. Millot.
  3. De Lanessan.
  4. Asiatic Quarterly.