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échéance, il restera en vigueur pour une nouvelle période de vingt années[1].

Le gouvernement de Washington semblait à la veille d’obtenir la solution désirée, quand un incident inattendu survint : le projet de traité prohibait en fait l’immigration pour l’avenir, mais il prévoyait l’octroi de permis de retour délivrés aux travailleurs chinois qui, résidant en Amérique, désireraient se rendre pour un temps au pays natal sans perdre le droit de rentrer en Amérique. La Chine approuva ; mais, avant de ratifier le traité, le sénat de l’Union introduisit une clause interdisant absolument ces permis de retour. Il fallut renvoyer le traité en Chine pour le soumettre à une nouvelle approbation du gouvernement chinois. On s’attendait à un refus ; et la nouvelle, — non officielle, il est vrai, — arriva le 31 août que la Chine refusait la ratification. A peine ce bruit se répand-il qu’un membre du congrès, un démocrate, introduit un bill donnant force de loi aux dispositions écartées par le Tsung-li-Yamên. Le bill passe sans opposition le 3 septembre au congrès et le 7 au sénat. — La confirmation officielle du refus de ratification n’était pas encore parvenue au gouvernement de Washington ; bien plus, le 6 septembre, il recevait de son ministre à Pékin une dépêche annonçant que la ratification était ajournée pour plus ample examen. Et c’est ce moment que le sénat choisissait pour voter un bill qui prenait ainsi le caractère d’une menace directe. Aussi, grâce à l’intervention injustifiable du parlement, à son action brouillonne et impolitique, le gouvernement de l’Union se trouve-t-il aujourd’hui à l’égard de la cour de Pékin dans la même situation défavorable où nous allons Voir celui du Royaume-Uni : il perd en un jour le bénéfice de longttes et patient. es négociations qui peut-être allaient aboutir.

Les travailleurs blancs qui, aux États-Unis, ont poursuivi avec acharnement l’élimination du Chinois ont atteint leur but : les salaires augmentent sensiblement là où autrefois les Chinois entraient en ligne. Déjà même, pour certains travaux où la main-d’œuvre chinoise à bas prix était requise, le manque de bras se fait sentir. — On sait que les caisses de l’Union regorgent de numéraire ; que les excédens budgétaires y sont un embarras pour les hommes au pouvoir ; que l’état, drainant ainsi des capitaux considérables, menace de troubler la circulation monétaire : ces recettes encombrantes proviennent des douanes ; l’état souffre de pléthore financière pour avoir maintenu des tarifs protecteurs très élevés, souvent prohibitifs. Il sera intéressant de voir si des mesures analogues appliquées à l’importation de la main-d’œuvre iront jusqu’à provoquer une crise économique.

  1. Times, 19 mai 1888.