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elle permet d’employer jusqu’à huit heures par jour des enfans qui sont au-dessus de cet âge encore si bas. Ce sont là deux pays à population très dense et à salaires très faibles. La pauvreté a ses exigences ; elle émousse le sentiment ou, du moins, lui restreint sa part. Les autres nations pauvres en fournissent aussi la preuve. La Hongrie prohibe le travail des enfans dans les fabriques au-dessous de dix ans ; de dix à douze, elle fixe au travail une durée maxima de huit heures, encore bien longue. De douze à quatorze, elle permet dix heures ; et au-delà elle ne réglemente plus rien, sauf l’interdiction du travail du dimanche et de la nuit pour ces jeunes ouvriers. L’Espagne se rapproche de la Hongrie : les enfans n’y peuvent travailler dans les fabriques au-dessous de dix ans, ni plus de cinq heures par jour jusqu’à treize ans pour les garçons et quatorze ans pour les filles ; elle ajoute à ces enfans une autre catégorie de jeunes ouvriers, pupilles de la loi, les adolescens de quatorze à dix-huit ans pour les hommes, de quatorze à dix-sept ans pour les filles, qui, les uns et les autres, ne peuvent travailler plus de huit heures ; elle interdit enfin le travail de nuit dans les établissemens à moteurs hydrauliques et à machines à vapeur. Le Danemark se rapproche de l’Espagne et des autres pays précités : c’est à dix ans aussi que l’enfant y peut devenir ouvrier de fabrique : jusqu’à seize ans, la durée du travail n’y peut dépasser six heures ; puis viennent les adolescens de seize à dix-huit ans qui ne peuvent être employés plus de dix heures : le travail du dimanche et de la nuit est aussi interdit.

Voilà pour les pays pauvres où la vie est dure, où chacun sent le prix du travail ; l’opinion publique y supporterait mal que le gouvernement s’avisât de retarder trop l’époque où un être humain peut coopérer à sa propre subsistance. Les pays, soit plus riches, soit, plus vastes, et à gouvernement affectant de hautes visées, font 4 la réglementation une part plus grande. Au lieu de placer à dix ans l’âge où l’enfant peut travailler en fabrique, ils le mettent à douze ou à treize ou à quatorze ; ils étendent aussi parfois l’application de leurs règlemens non-seulement à la grande industrie concentrée, mais à la petite, toute disséminée qu’elle soit. Quelques-uns aussi ne se bornent pas à régler le travail des enfans ou des adolescens ; ils veulent encore imposer soit la même prohibition, soit les mêmes restrictions aux hommes faits. Voici l’orientale Russie qui, parmi ce nouveau groupe de nations, offre le minimum de règlementation : elle interdit dans les fabriques le travail des enfans au-dessous de douze ans, leur fixe, à partir de cet âge, une durée maxima de huit heures, et en outre interdit, dans les principales branches de l’industrie textile, le travail de nuit pour les jeunes gens au-dessous de dix-sept ans et pour les femmes. Les