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an, dans les villages, pour une chaumière qui n’a qu’une porte et une fenêtre, 60 à 75 centimes par an, à la ville, pour une chambre qui est au-dessus du second étage et n’a qu’une fenêtre[1]. De cette façon, l’ancienne taxe, qui était accablante, devient légère : au lieu de payer 18 ou 20 livres pour sa taille, sa capitation et le reste, le journalier, l’artisan sans propriété, ne paie plus que 6 ou 7 francs[2] ; au lieu de payer 53 livres pour ses vingtièmes, pour sa taille personnelle, réelle et industrielle, pour sa capitation et le reste, le petit propriétaire cultivateur ne paie plus que 21 fr. Par cette réduction de leur corvée fiscale et par l’augmentation du prix des journées, les hommes pauvres ou gènes qui ne subsistent que par le travail rude et persévérant de leurs bras, laboureurs, maçons, charpentiers, tisserands, forgerons, corroyeurs, portefaix, gens de peine et manœuvres de toute espèce, bref, les mains laborieuses et calleuses redeviennent presque libres : sur leurs 300 jours ouvrables, elles devaient au fisc de 20 à 59 jours ; elles ne lui en doivent plus que de 6 à 19, et gagnent ainsi de 14 à 40 jours francs, pendant lesquels, au lieu de travailler pour lui, elles travaillent pour elles-mêmes. — Calculez, si vous pouvez, ce qu’un pareil allégement ôte au poids du malaise et du souci dans un petit ménage.


IV

Ceci est une faveur pour les pauvres, en d’autres termes, une atteinte à la justice distributive : par la décharge presque complète des gens sans propriété, la charge de l’impôt direct retombe presque en entier sur les propriétaires. S’ils sont fabricans ou commerçans, ils portent encore une surcharge, l’impôt des patentes, qui est une taxe supplémentaire, proportionnée à leurs bénéfices probables[3]. — Enfin, à toutes ces taxes et surtaxes annuelles,

  1. Loi du 3 floréal an X, titre II, article 13, § 3 et 4.
  2. Charles Nicolas, ibid. — En 1821, la contribution personnelle et mobilière produit 46 millions ; la contribution des portes et fenêtres, 21 millions : total, 67 millions. D’après ces chiffres, ou mit que, si le propriétaire de 100 francs de revenu foncier paie 16 fr. 77 pour sa contribution foncière, il ne paie que 4 fr. 01 pour ses trois autres contributions directes. — Le chiffre de 6 à 7 francs peut encore aujourd’hui être constaté par l’observation directe. — Afin de ne rien omettre, il faudrait y ajouter la prestation en nature, rétablie en principe dès 1802 pour les routes vicinales et départementales : cette taxe, réclamée par les intérêts ruraux, répartie par les pouvoirs locaux, appropriée aux commodités du contribuable, et tout de suite acceptée par les populations, n’a rien de commun avec l’ancienne corvée, sauf l’apparence ; de fait, elle est aussi légère que la corvée était lourde. (Stourm, I, 232.)
  3. Charles Nicolas, les budgets de la France depuis le commencement du XIXe siècle, et de Foville, la France économique, p. 365, 373. — Produit des patentes en 1816, 40 millions ; un 1820, 22 millions ; en 1860, 80 millions ; en 1887, 171 millions.