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choses, mon Dieu ! et comme il les sait ! Quelle connaissance de l’harmonie, de l’orchestration, quelle force de combinaison, quelle science, quel puits de science! Mais de ces puits, hélas! dont parle le poète, de ces puits « dont le ciel n’a jamais vu le fond. » Un jour, nous l’espérons, ces profondeurs finiront par s’éclairer. Un jour, malgré les doctrinaires qui l’entourent, malgré lui-même, M. d’Indy s’émancipera. Il reconnaîtra que d’aussi prodigieux efforts ne valent pas ce qu’ils coûtent. D’un coup d’épaule il abattra les cloisons entre lesquelles il se laisse encore enfermer. Aussi bien, son Wallenstein ne date pas d’aujourd’hui ; depuis lors M. d’Indy a fait un peu autrement, et beaucoup mieux. Qu’il nous permette de lui rappeler une de ses pages que nous aimons le plus. Dans le Chant de la cloche, il y avait un chœur ravissant d’esprits et de fées. Viens à nous, viens à nous, chantaient au fondeur Wilhelm les petits êtres mélodieux. Que le musicien aille donc à ceux qui l’appelaient alors, que dans la naïveté et la simplicité de son cœur il écoute ces conseillers aimables, et les génies donneront à son inspiration la grâce de leur sourire et la transparence de leurs ailes.

Après avoir dit beaucoup de mal de M. Franck, un peu de mal de M. d’Indy, si nous disions du bien de Haydn! Achevons de nous déshonorer, enfonçons jusqu’aux yeux notre perruque. On a joué dernièrement deux symphonies de Haydn : l’une en sol au concert du Châtelet, l’autre en ut au Conservatoire, et toutes les deux sont charmantes, et pour le finale de la première ou pour le début de la seconde, je donnerais les œuvres presque complètes de... ce n’est pas M. d’Indy que je veux dire. On a prétendu que la symphonie en ut exécutée au Conservatoire pourrait bien être apocryphe. Et qui l’a prétendu? L’oracle musical du Temps, M. Weber. Or M. Weber, un beau dimanche, à propos de certain quatuor d’Euryanthe, ayant déclaré qu’il savait par cœur ce quatuor comme le reste, après ce comme le reste, il serait impertinent de ne pas douter avec un homme aussi savant que Haydn soit l’auteur de la symphonie en question. Mais fût-elle de M. Weber lui-même, elle n’en serait pas moins agréable. Elle débute par un mystérieux prélude auquel de simples notes de hautbois donnent une couleur presque romantique. Quant au finale, il s’en dégage une gaîté communicative. Au dernier moment surtout, un triangle se met à tinter, une fois, deux fois, comme un petit rire involontaire. Et cette fusée sonore ayant sans doute réjoui le vieux maître, il en allume une autre, puis une autre encore; le triangle vibre de frissons continus, et le pimpant allegro s’achève en pluie d’étincelles.

L’orchestre de M. Lamoureux et celui de M. Garcin ont admirablement joué la symphonie de M. d’Indy et celle de M. Franck. Mais des deux orchestres et même de plus de deux, de tous les orchestres de