Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre : ce n’est qu’un plus ou moins grand développement, d’un règne à l’autre, de l’intelligence et de l’amour. En revanche, selon Lamennais, il y a une barrière infranchissable entre l’animal et l’être intelligent, bien qu’il y ait une liaison intime entre ces deux classes d’êtres. Les qualités des êtres organisés, comme celles des êtres inorganiques, sont au nombre de trois : spontanéité, manifestation de la force ; individualité, manifestation de la forme ; vie, manifestation du principe d’union.

Quant aux êtres intelligens supérieurs à l’animal, nous n’en connaissons qu’un, qui est l’homme ; mais il n’est guère vraisemblable qu’il n’y en ait pas d’autres, que cette nouvelle série qui commence avec l’homme ne comprenne qu’une seule espèce d’êtres, tandis que les séries antérieures en ont des millions et des milliards. Mais nous ne savons rien de ces êtres supérieurs, et nous ne pouvons en parler que d’après l’homme. Inutile d’insister sur les caractères généraux des êtres intelligens, puisque l’homme doit être l’objet d’une étude séparée et complète. Disons seulement que l’homme se distingue de l’animal, comme la personnalité se distingue de l’individualité. L’animal est un individu : ce n’est pas une personne. Le caractère de la personnalité, c’est la raison. La raison est la connaissance du vrai. Elle se distingue de la perception, qui existe aussi chez l’animal, et qui a pour objet le réel. Le second caractère de la personnalité, c’est la volonté libre. La personnalité a sa base dans l’individualité, mais elle s’en distingue. L’une a l’unité organique ; l’autre l’unité intellectuelle et morale. De la raison naît la conscience ou l’apparition du Moi. Dans l’animal, il y a conscience ; il n’y a pas de moi. Comme les autres ordres d’êtres, les êtres intelligens ont trois qualités fondamentales : la liberté, qui est le développement le plus élevé de la force ; la parole, développement de l’intelligence et de la forme, et la sociabilité, manifestation de l’amour.

Malgré la diversité des êtres qui le composent, l’univers, en un sens, est un être unique, un organisme dans lequel les natures s’enchaînent harmonieusement. Si l’univers, en effet, était tout entier réalisé, il ne serait, comme l’intelligence divine elle-même, qu’un seul être ; il serait Dieu. De là l’erreur qui tend à confondre Dieu et la nature. On confond la nature idéale telle qu’elle est dans l’intelligence divine avec la nature réelle qui est hors de Dieu ; mais c’est par la limite qu’elles se distinguent. De là vient que la nature n’est pas une d’une unité absolue ; mais elle n’en a pas moins une unité relative, et le progrès de l’univers consiste précisément dans le développement de cette unité. L’unité de l’univers consiste : 1° dans l’unité des substances et dans les lois de communications qui unissent les différens êtres entre eux ; 2° dans la tendance de la création