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combinaisons de plus en plus complexes, l’innombrable variété des êtres inorganiques. La force partout répandue les réalise individuellement par une évolution régulière de la forme générale, « de même que cette autre force appelée attention réalise individuellement les idées particulières contenues dans la forme générale d’une idée. » Chaque germe a une jouissance d’affinité qui attire à lui les élémens extérieurs qu’il s’assimile, et par là montre quelque analogie avec la vie ; mais il ne se les assimile qu’extérieurement et par juxtaposition, de telle sorte que leur existence ne constitue pas une individualité véritable. On remarquera que cette assimilation ne peut avoir lieu sans emprunter à d’autres combinaisons les élémens qui les composent, de telle sorte que, dans le premier état des corps, la production implique la destruction, et que ces deux formes de mouvemens sont essentiellement liées l’une à l’autre. Tel étant le mode général de développement des êtres inorganiques, ces êtres se distinguent par trois qualités primordiales, qui sont : l’impénétrabilité, la pesanteur et la figure ; la première, expression de la force arrêtée par la limite ; la seconde, expression du principe d’union, et la troisième, expression de la forme.

En passant des êtres inorganiques aux êtres organisés, Lamennais invoque un principe qui était déjà dans Aristote, et qu’il a retrouvé, soit par lui-même, soit par ses souvenirs de philosophie thomiste : c’est que, tout en s’élevant à un plus haut degré de perfection, les êtres ne se détachent pas de la série inférieure, et qu’ils conservent les formes précédentes enveloppées dans les formes supérieures, ultérieurement acquises. Ainsi, les êtres vivans, par leur matière, par leur rapport à l’étendue, continuent à subir les lois des êtres inorganiques, et sont soumis connue eux aux trois qualités précédentes : impénétrabilité, pesanteur et figure. Mais ils s’en distinguent par un caractère tout à fait nouveau : l’individualité. Dans les êtres inorganiques, ce qui domine, c’est la limite : la forme s’y présente d’une manière indéfinie, c’est-à-dire sous forme d’accroissement extérieur. Dans les êtres organisés apparaît l’unité vitale. La forme n’y est plus extérieure, mais intérieure ; l’être croît non plus par juxtaposition, mais par intussusception. Enfin le mode de production est différent ; et sans s’engager dans la question des générations spontanées, il faut admettre que la forme préexiste ; et, à ce titre, c’est un véritable germe. À la vérité, Lamennais a employé déjà le même terme pour expliquer la formation des minéraux : mais il ne s’agissait là que de formes spécifiques ; ici, il s’agit de formes individuelles.

Entre les végétaux et les animaux, Lamennais n’admet pas de différences fondamentales. Il y a un passage insensible d’un règne à