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LA
FEMME AUX ÉTATS-UNIS


I.

L’Europe s’américanise. En un siècle, de 1789 à 1889, elle a déversé sur les plages de l’Amérique du Nord plus de treize millions d’émigrans. Jusqu’en 1860, elle a inondé les États-Unis des produits de ses manufactures, leur imposant sa littérature et ses idées, ses arts et ses artistes, ses modes et ses goûts, ses déclassés et ses aventuriers. Semblable à un sol altéré et sablonneux, cette terre nouvelle a tout absorbé, s’est tout assimilé : le bon et le mauvais, les eaux pures et les eaux souillées. Puis, de ces élémens divers, le génie de la race, l’influence du climat, l’expansion libre, la culture intellectuelle, religieuse et morale, ont fait surgir une civilisation autre, ayant avec la nôtre certaines affinités naturelles, offrant aussi avec elle des contrastes imprévus.

À son tour, cette civilisation reflue sur l’Europe, que ses touristes envahissent, où ses millionnaires nomades échangent leur tente contre de somptueux hôtels, rivalisant de luxe, d’élégance et de confort avec une aristocratie de naissance qui s’éteint et qu’ils envient, et une aristocratie financière qu’ils écrasent de leur opulence. À leur tour, ils nous initient à leurs idées, à leurs mœurs, à leurs usages, non plus timidement, en parvenus qui doutent et que le