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enfans; même pauvre, il consent à la payer, si elle n’est pas trop chère; seulement, il la veut à son goût et de telle ou telle qualité, partant de telle provenance, avec telle étiquette et marque de fabrique. Si vous voulez qu’il achète, ne chassez plus du marché les fournisseurs qui ont sa confiance et qui lui vendent à bas prix; au contraire, faites-leur accueil, et souffrez qu’ils étalent. Tel est le premier pas, un acte de tolérance; les conseils-généraux le réclament[1], et le gouvernement le fait. Il laisse revenir les frères ignorantins, il leur permet d’enseigner, il autorise les villes à les employer; plus tard, il les agrège à son université : en 1810, ils auront déjà 41 maisons et 8,400 élèves[2]. Plus largement encore, il autorise et favorise les congrégations enseignantes de femmes; jusqu’à la fin de l’empire et au-delà, il n’y aura guère que des religieuses pour donner aux filles l’instruction, surtout l’instruction primaire. — Grâce à la même tolérance, les écoles secondaires se reforment de même, et non moins spontanément, par l’initiative des particuliers, des communes et des évêques, collèges ou pensionnats à Reims, Fontainebleau, Metz, Évreux, Sorrèze, Juilly, La Flèche et ailleurs petits séminaires dans tous les diocèses ; l’offre et la demande se sont rencontrées, les maîtres viennent au-devant des enfans, et, de toutes parts, l’enseignement recommence[3].

Maintenant, on peut songer à le doter, et l’État y invite tout le monde, communes et particuliers; c’est sur leur libéralité qu’il compte pour remplacer les anciennes fondations; il sollicite des dons et legs en faveur des nouveaux établissemens, et il promet « d’entourer ces dotations du respect le plus inaltérable[4]. » Cependant, et par précaution, il assigne à chacun sa charge éventuelle[5] : si la commune établit chez elle une école primaire, elle

  1. Albert Duruy. L’Instruction publique et la Révolution, p. 480 et suivantes. (Procès-verbaux des conseils-généraux de l’an IX; entre autres vœux de la Gironde, de l’Ille-et-Vilaine, du Maine-et-Loire, du Puy-de-Dôme, de la Haute-Saône, de la Haute-Vienne, de la Manche, du Lot-et-Garonne, de la Sarthe, de l’Aisne, de l’Aude, de la Côte-d’Or, du Pas-de-Calais, des Basses-Pyrénées, des Pyrénées-Orientales, du Lot.)
  2. Alexis Chevalier, Ibid., p. 182. (D’après les relevés statistiques de la maison-mère, rue Oudinot. — Ces chiffres sont probablement trop faibles.)
  3. Recueil des lois et règlemens sur l’enseignement supérieur, par A. de Beauchamp, I, 65. (Rapport de Fourcroy, 20 avril 1802.) « Depuis la suppression des collèges et universités, des écoles anciennes ont pris une nouvelle extension, et il s’est formé un assez grand nombre d’établissemens particuliers pour l’éducation littéraire de la jeunesse. »
  4. Ibid., 65 et 71. (Rapport de Fourcroy.) « Pour ce qui des écoles primaires, il faudra échauffer le zèle des municipalités, intéresser la gloire des fonctionnaires,.. faire revivre la bienfaisance, si naturelle au cœur des Français et qui renaîtra si promptement lorsqu’on connaîtra le respect religieux que le gouvernement veut porter aux fondations locales. »
  5. Ibid., p. 81. (Décret du 1er mai 1802. titres 2 et 9. — Décret du 17 septembre 1808, article 23.)