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habillée et nourrie, exactement disciplinée, parlant obéissante et capable de fonctionner sans écarts ni défaillances, comme un instrument de précision; une gendarmerie et une police actives et tenues en bride ; des administrateurs indépendans de leurs administres et des juges indépendans de leurs justiciables, tous délégués, soutenus, surveillés et contenus d’en haut, à peu près impartiaux, assez compétens, et, dans leur office circonscrit, bons fonctionnaires; enfin, la liberté des cultes, par suite un traité avec Rome et la restauration de l’église catholique, c’est-à-dire la reconnaissance légale de la hiérarchie orthodoxe et du seul clergé que les fidèles puissent accepter comme légitime, en d’autres termes l’institution des évêques par le pape et des prêtres par les évêques. — Cela fait, on a les moyens de faire le reste. Un corps d’armée bien conduit marche sur les tisons d’incendie qui se rallumaient dans l’Ouest, et la tolérance religieuse éteint les vieux foyers d’insurrection populaire : désormais, il n’y aura plus de guerre civile[1]. — Des colonnes mobiles et des commissions militaires[2] purgent le Midi et la vallée du Rhône : désormais, il n’y a plus de grosses bandes en campagne, et peu à peu, sous la répression continue, le brigandage cesse, après le grand, le petit. Plus de chouans, de chauffeurs, de barbets ; les malles-postes voyagent sans escorte, et les grandes routes sont sûres[3]. Plus de classe ou catégorie de

  1. Ibid. (Rapports de Barbé-Marbois et Fourcroy sur leurs missions dans la 11e et la 13e division militaire, an IX, p. t.58, sur la tranquillité de la Vendée.) « J’aurais pu traverser tous les lieux sans escorte. Mon séjour dans quelques villages n’a été troublé d’aucune crainte, ni même d’aucun soupçon. » — « La tranquillité dont ils jouissent actuellement et la cessation des persécutions qu’on leur a faites... les empêchent de s’insurger. »
  2. Archives nationales, F7, 3,273. (Rapports du général Ferino, pluviôse an IX, avec tableau des jugemens de la commission militaire depuis floréal an VIII.) La commission relève 53 assassinats, 3 viols, 44 pillages de maisons, exécutés par les brigands dans le Vaucluse, l’Ardèche, la Drome, les Basses-Alpes ; 66 brigands ont été fusillés en flagrant délit, 87 après sentence, et 6 blessés sont morts à l’hôpital. — Rocquain, ibid., p. 17. (Rapports de Français, de Nantes, sur sa mission dans la 8e division militaire.) « Le midi peut être considéré comme purgé par la destruction d’environ 200 brigands, qui ont été fusillés. Il n’existe plus que trois ou quatre bandes de 7 ou 8 hommes chacune. »
  3. Archives nationales. F7, 7,152 (sur la prolongation du brigandage). Lettre de Lhoste, agent, au ministre de la justice, Lyon, 8 pluviôse an VIII. « Toutes les semaines, les diligences sont dévalisées en entier. » — Ibid., F7, 3267 (Seine-et-Oise. bulletins de la police militaire et correspondance de la gendarmerie). Le 25 brumaire an VIII, attaque de la malle de Paris près d’Arpajon, par 5 brigands armés de fusils. Le 3 fructidor an VIII, à trois heures de l’après-midi, une voiture chargée de 10.860 francs expédiés par le receveur de Mantes à celui de Versailles est arrêtée, près de la machine de Marly, par 8 ou 10 brigands armés à cheval. Le gendarme qui accompagnait la voiture est saisi, désarmé. — Quantité d’autres faits analogues : on voit que, pour mettre fin au brigandage, il fallut un an et davantage. — L’instrument employé est toujours la force militaire impartiale. (Rocquain, Ibid., p. 10.) « Il y a à Marseille trois compagnies de garde nationale soldées de 60 hommes chacune, à la solde de 1 franc par homme. La caisse de cette garde s’alimente par une contribution de 5 francs par mois que paie chaque homme sujet à monter la garde et qui veut s’exempter. Les officiers... sont tous étrangers au pays. C’est depuis l’établissement de cette garde que les vols, les meurtres, les querelles ont cessé dans la ville de Marseille. »