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du ministère, l’élan a été plus vif encore, et le cours de 85 francs a été visé. Un nouvel élément est alors entré en scène. Les considérations politiques ont été reléguées au second plan et la situation de place est devenue le facteur prépondérant pour la direction et la fixation des cours. Tant de couches de primes non-seulement pour fin février, mais pour fin mars, se trouvaient déjà débordées, atteintes ou menacées, que le découvert a fini par prendre peur. Des spéculateurs d’avant-garde ont saisi habilement l’occasion. En deux ou trois séances, le 3 pour 100 a été porté à 85 francs. Il fallait alors ou écraser les cours ou se racheter. Les vendeurs ont dû prendre ce dernier parti ; leurs liquidations précipitées ont poussé la rente mardi jusqu’à 85.60. L’écart en hausse sur le dernier cours de compensation dépassait dès lors 2 francs. Une lutte s’est engagée ; le 3 pour 100 a reculé mercredi à 84.95 et finit à 85.10.

L’amortissable et le 4 1/2 ont gagné environ 1 franc sur les prix de lin janvier. Inutile de remarquer que cette hausse orageuse de nos rentes ne se serait pas produite si les tendances sur l’ensemble du marché n’avaient été très satisfaisantes et si une progression parallèle ne s’était poursuivie sur les autres places. Le monde financier croit que l’argent est et restera bon marché cette année, que les disponibilités sont considérables, que la haute banque tient en réserve un grand nombre d’opérations, et que la hausse est vraisemblable, parce qu’elle favorise, en Europe, sur tous les marches, une masse énorme d’intérêts.

On assiste actuellement à l’épanouissement des conséquences d’un fait économique qui s’est développé depuis dix années et que le krach de 1882 n’avait que momentanément arrêté dans son action : l’abaissement continu du taux de capitalisation général par la hausse des fonds d’états et de toutes les bonnes valeurs à revenu fixe ou variable. Les conversions, dont la longue série ne cesse de se dérouler, sont le symptôme le plus éclatant et le plus caractéristique de cette évolution. Avant peu, il n’y aura plus d’état ou de compagnie jouissant d’un crédit sérieux, qui n’ait réussi à transformer ses dettes 5 pour 100 en engagemens à un taux plus bas d’intérêt.

La Russie a commencé en décembre dernier l’extinction de ses emprunts 5 pour 100 par la conversion de la catégorie émise en 1877. Elle continuera bientôt, selon toute vraisemblance, par les émissions faites de 1870 à 1873. Une dépêche de Saint-Pétersbourg avait même annoncé cette semaine que le contrat pour l’opération venait d’être conclu avec un syndicat dont faisait partie la maison Rothschild, et pour un capital de 700 millions de francs. Cette nouvelle n’a pas été confirmée jusqu’à présent. Le 4 pour 100 russe de 1880 est aujourd’hui à 91 ; c’est une progression de cinq unités pour les trois derniers mois.

Le gouvernement égyptien songe, de son côté, à rembourser les obligations