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de ce temps, lesquels au moins joindraient au mérite de la vérité celui d’avoir été collectionnés par un homme d’infiniment d’esprit. Si l’on pouvait sauver un acte du naufrage d’une pièce entière, le premier acte de Marquise ne serait pas indigne qu’on fit cet effort pour lui. A l’exception de Suzanne d’Ange ou d’Albertine de la Borde, qui sont d’ailleurs autre chose en même temps, je ne vois guère de fille qui le soit plus que Lydie Garousse, depuis les pieds jusqu’à la tête, ni surtout qui soit moins « chargée ; » et conséquemment plus vraie qu’aucune de celles de M. Zola.

Mais que le second acte est pénible, et qu’il a dû coûter de mal à son auteur! Qu’il est long; qu’il est lent; que la scène de la rosière y est de mauvais goût; que les moyens en sont invraisemblables! c’est un défaut bien singulier du talent de M. Sardou que les moyens dont il se sert soient toujours immédiatement au-dessous du genre de la pièce qu’ils nouent. Quand il veut faire un drame, comme Théodora, ses moyens sont de la comédie ; quand il veut faire de la comédie, comme Daniel Rochat, ses moyens sont du vaudeville; quand il veut faire du vaudeville, comme dans Marquise, ses moyens sont de la farce. Car comment appellerai-je autrement l’intervention d’Augusta, la piqueuse de bottines, et le prétendu vol d’argenterie qui sert de prétexte à Lydie Garousse pour inviter son époux du matin à déguerpir de chez elle par le dernier tramway du soir? Même au Palais-Royal, ces moyens seraient déjà gros; il nous faudrait trop de bonne volonté pour les passer à l’auteur; la surprise en serait trop brusque; on y sentirait trop l’un des pires embarras qu’il y ait au théâtre : c’est celui de « continuer » et surtout de finir. Au Vaudeville, l’autre soir, ils ont commencé la déroute de la pièce, qui n’en continue pas moins de s’intituler « comédie » sur l’affiche. Et je n’ai pas compris, pour ma part, je ne comprends pas encore que, d’être obligé de recourir à de pareils moyens, faute sans doute d’en trouver d’autres, cela seul n’ait pas suffi pour avertir M. Sardou qu’il s’était trompé sur le choix du sujet.

Du troisième acte, j’aimerais mieux ne rien dire. Mais si peut-être quelque lecteur était curieux de la fin de l’aventure, je lui apprendrai donc que le marquis Campanilla, surpris par Lydie Garousse en tête-à-tête avec son Augusta, la piqueuse de bottines,


Honteux. comme un renard qu’une poule aurait pris,


est obligé cette fois de quitter le château conjugal. Son mariage a duré douze heures, de midi à minuit; on divorcera; et Lydie Garousse est