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ordonnance de Villers-Cotterets, « où il rongna les ongles de si près à la juridiction et à la puissance ecclésiastique. » Ces assertions jetées dans des écrits où la fantaisie domine, il les reproduit dans ses mémoires au parlement sous une forme beaucoup plus grave.

Il ne serait pas difficile de résumer les idées politiques fondamentales de Du Fail, qui sont fort simples, à vrai dire. Il veut le maintien des classes et des rangs. Il réclame d’un autre côté la protection des faibles et s’élève contre leur écrasement par les seigneurs dans les campagnes. Mais ces améliorations sociales, comme nous disons en style moderne, il les demande avant tout à des sentimens d’ordre moral, omettant les garanties politiques et n’ayant qu’une confiance limitée dans les institutions même civiles. C’est ce qu’il exprime en disant que « quand les républiques sont bien malades, il faut venir aux causes et purgations universelles et non, comme les empiriques qui appaisent bien la douleur, le fond de la maladie demeurant en son entier; on establira tant qu’on pourra officiers, érigera les nouvelles juridictions, seront institués autant de parlemens et sièges présidiaux qu’on voudra; tout cela ne sont que médicamens spéciaux, et de quelque peu de prétexte et apparence, l’humeur péchant (peccante) demeurant au surplus : il faut donc aller plus bas et jusques au fond pour trouver l’encloueure et le mal : qui est la religion et conscience des hommes, laquelle n’estant resglée demeurera une injustice perpétuelle entre nous... » Ce qu’on pourrait appeler sa politique pratique se renferme dans ces conseils ou règles : « Que le gentilhomme espouse la damoiselle de race, suyvant les anciennes lois, et qu’il soit seul administrateur de la justice ; que le marchant se contienne en son mestier, et se marie avec une femme de son estat, à ce que le train de marchandie ait son cours et ne soit interrompu ; que le laboureur demeure en la beauté et facilité de ses champs ; et lors sera tout le monde content et satisfait, chacun suivant et embrassant la condition et vacation où Dieu nous a appelés. » Mais cette suprématie qu’il reconnaît à la noblesse, il la veut tempérée par la bonté et réglée par la justice. Il cherche à rapprocher les seigneurs des gens de condition inférieure, il leur interdit la morgue; et, en même temps qu’il blâme les nobles qui se mettent trop à part, il raille les nouveaux enrichis qui élèvent des prétentions ridicules et tiennent le monde à distance; c’est ce qu’il appelle : faire le sot. Les lenteurs de la justice et ses frais exagérés le révoltent, et il émet le vœu que les différends dans les campagnes soient le plus possible arrangés par le curé et le seigneur, « ce qui abrégera la besogne des chicaneurs, greffiers et tels petits mangeurs de peuple qui sont sortis de la charrue. » Il déclare